Au théâtre Clavel 
Du 20 janvier au 16 mars 2024

Une pièce de Mohamed Kacimi
Mise en scène de Christophe Daci 

Six femmes se retrouvent dans la bibliothèque d'une prison. Entre rires et larmes, le théâtre s'invite et leur offre la possibilité d'une évasion.

Cinq femmes détenues en maison d'arrêt ont pris l'habitude de se retrouver à la bibliothèque pour échanger sur leur histoire, leur quotidien et leurs blessures. Le soir de Noël, alors qu'elles préparent la soirée du réveillon et les cadeaux à envoyer aux enfants, débarque une primo-arrivante, Frida, arrêtée pour l'enlèvement de sa fille. Dénoncée au moment où elle lui achetait "On ne badine pas avec l'amour" d'Alfred de Musset, elle est encore sous le choc et submergée de culpabilité.

Pour la soutenir, ses codétenues décident sur le champ de jouer toutes ensemble quelques scènes de la pièce et de se filmer afin d'en envoyer la vidéo à la fille de Frida. Elles se confrontent alors aux personnages de la pièce qui les interrogent sur leurs propres valeurs, leur rapport à l'amour et à la religion. 

 

Les univers en huis clos sont, au théâtre ou au cinéma, des espaces à part : la privation de liberté y exacerbe les tensions, révèle les caractères profonds, fait ressurgir les peurs enfouies. Aussi, lorsque l'auteur de Tous mes rêves partent de gare d'Austerlitz situe son action dans une maison d'arrêt pour femmes, il associe à ce lieu d'enfermement contraint la figure féminine, avec toutes les interrogations que cela suscite dans l'imaginaire collectif.

Cet imaginaire n'est pas nouveau : déjà au XIXe siècle, les artistes s'intéressent aux criminelles, fascinés par leur capacité à accomplir un acte qui semblait "si peu dans leur nature féminine". Une vision sexiste, certes. Mais si l'on y regarde de plus près, un grand nombre de ces héroïnes sont également des victimes : Médée, trompée par un homme pour lequel elle a tout sacrifié, Béatrice Cenci, violentée par son père, ou encore Marguerite dans Faust, abandonnée et devenue folle. Sans excuser leurs crimes, ces textes apportent une vision plus humaniste : naît-on monstre ou le devient-on ?  

Le texte de Mohamed Kacimi s'inscrit dans cette tradition, à ceci près qu'aucune de ces prisonnières n'est monstrueuse. Pourtant, au moins trois d'entre elles ont commis l'irréparable, dans des circonstances douloureuses qui brouillent les limites des notions de crime et de justice. Car dans cette histoire, ce sont d'abord les hommes qui font mal. Un écho qui se retrouve dans le choix d'On ne badine pas avec l'amour comme exutoire dans la dernière partie de la pièce. Ce qui marque, finalement, ici, c'est l'infinie solitude de ces prisonnières, car personne ne vient les voir, pas même - et surtout - leur conjoint/compagnon. Même ceux avec qui "c'était différent". Une invisibilisation, un oubli total qui vaudrait presque oblitération si, entre ces quatre murs, une forme de sororité n'avait fini par s'installer.

A vrai dire, le sujet m'a beaucoup intéressé au départ. Cependant, au plateau, le rythme soutenu le sert parfois maladroitement : le texte "file" un peu vite, laissant de côté les intentions des comédiennes, et escamotant les moments de respiration qui pourraient installer une véritable atmosphère, et avec elle, l'émotion. L'humour, en revanche, est efficace. 

L'utilisation des parties chantées m'a également déstabilisée. Entendons-nous bien, je n'ai rien contre en soi, bien au contraire. Mais pourquoi seulement deux personnages qui ont "leur chanson"? De plus, l'intégration de ces parties chantées m'a semblé maladroite par rapport au texte parlé, si bien qu'au lieu de créer un temps suspendu - je pense que ce devait être l'effet voulu -  j'ai eu l'impression qu'elles étaient superflues. 

En résumé, je suis sortie de ce spectacle avec davantage de frustration que de ressenti réellement négatif et je ne peux pas dire que j'ai passé un mauvais moment avec cette pièce. Le thème et le texte sont intéressants, on s'attache malgré tout aux personnages, l'humour fonctionne. En revanche, côté rythme et émotion, j'ai plutôt eu l'impression de voir une sorte de travail en cours : un spectacle dont on sent l'immense potentiel, mais qui n'a pas encore trouvé - selon moi - sa pleine mesure. 

La note tout à fait subjective et qui n'engage que moi  3/5

Avec Justine Dalmat, Catherine Julieron, Liliane Meynaud, Isabelle San Augustin, Léna Soulié et Tatiana Shunk
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Le texte de la pièce - Mohamed Kacimi
A la table de l'éternité de Mohamed Kacimi
Moi la Mort, je l'aime comme vous aimez la vie, de Mohamed Kacimi

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