Avis théâtre : Colette, l'incorrigible... besoin d'écrire

A la Folie théâtre 
Du 1 décembre 2023 au 2 mars 2024 

De et avec Nathalie Prokhoris d'après Colette 
Direction d'actrice : Christine Culerier

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Un roman en suspens ? Colette ruse, esquive. Dans l’antre de l’écrivaine, parmi le désordre des papiers écrits, jetés, repris, nous assistons à la naissance d’une vocation à écrire. Colette plonge à la source intarissable de son inspiration, l’enfance, ce paradis perdu où règne Sido, sa mère. Peu à peu, au fil des mot triturés avec gourmandise, au détour de souvenirs, émerge la figure énigmatique et secrète de son père, le Capitaine Jules Colette.

Depuis quelques années, je me découvre un goût particulier pour le texte lu, hors pièce de théâtre. Cela a commencé pendant le confinement avec les lectures de Proust par la Comédie Française. Un auteur que je n'aurais probablement jamais abordé autrement. Un style qui, je pense, ne m'aurait pas plu si je l'avais découvert dans un livre. Imprévisiblement, alors que professionnellement les choses n'allaient pas au mieux, ces 45 à 50 minutes d'écoute quotidienne sont à l'époque devenues pour moi un moment d'évasion salvateur. 

Ce qui me plaît tant, c'est l'impression d'intimité qui se crée entre le texte de l'auteur, le timbre de voix et les inflexions du comédien ou de la comédienne, et l'auditeur. Cela me frappe encore davantage dans un texte qui n'a, à l'origine, pas été écrit pour être dit, cette alchimie se créant - presque - contre toute attente. Et pour moi, le texte de Colette, l'incorrigible... besoin d'écrire, n'a pas fait exception. 

La Colette que nous découvrons ici est déjà une femme d'âge mûr. Pourtant, les souvenirs les plus vivants dans sa mémoire sont les plus lointains : ceux de l'enfance. Un monde d'objets et de visages familiers, rassurants, qui gardent pourtant leur part de mystère et qui exercent une fascination sans bornes pour l'enfant qu'était l'écrivaine.

On y retrouve une petite fille aussi sérieuse et sûre d'elle que pleine de fantaisie. Elle évoque par exemple ces objets inaccessibles, alignés comme autant de trésors sur le bureau de son père, ou encore la découverte d'un mot nouveau, au sens inconnu. Ce mot, entouré de mystère, prend alors des airs de formule magique : elle va pouvoir - à loisir et presque en secret - en imaginer les significations diverses, avec une délicieuse créativité. 

Ce spectacle nous propose également de nous pencher sur sa vocation d'écrivaine. Ou plutôt sa non vocation. Quelque chose qu'elle aurait décidé de ne pas faire. Avant que cela ne se fasse. Non pas dans la douleur, mais davantage comme une simple, encombrante et importune nécessité. Et pourtant, tout dans ce texte - tiré des écrits de Colette elle-même - respire l'amour inconditionnel des livres et des mots, loyaux compagnons de vie. 

Nathalie Prokhoris nous donne à entendre ce texte avec gravité et légèreté, navigant entre l'essence presque sacrée des souvenirs chéris et la légèreté de l'enfance qui y sont attachés. Un texte tellement bien construit et tellement bien dit, que finalement, la mise en espace devient presque superflue : les déplacements m'ont parfois semblés un peu mécaniques et, à mon oreille, ont contribué à dissocier - plus que lier - des morceaux de textes différents. Mais je pinaille. 

Colette l'incorrigible... besoin d'écrire est l'occasion de plonger au cœur des romans biographiques de l'écrivaine, dans un cadre intime et rassurant, à l'image de ses écrits. Il s'en dégage quelque chose qui pourrait s'apparenter à de la nostalgie, mais sans réelle mélancolie : au regret du temps passé, elle lui substitue une célébration des instants heureux.  

La note tout à fait subjective et qui n'engage que moi  4/5

Avec Nathalie Prokhoris

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