Affiche de l'exposition de la photographe Julia Margaret Cameron capturer la beauté au Musée du Jeu de Paume

Au Jeu de Paume
Du 10 octobre 2023 au 28 janvier 2024

Tout à commencé avec cette affiche dans le métro : une enfant, affublée d'une paire d'ailes, me fixait du regard avec une expression indéchiffrable : un mélange de mélancolie, d'entêtement, peut-être même d'ennui. Toujours est-il que quelque chose de mystérieux s'en dégageait, qui a tout de suite attiré mon attention.

Dès que j'en ai eu l'occasion, j'ai donc profité de quelques heures libres pour aller découvrir cette exposition, consacrée à la photographe anglaise Julia Margaret Cameron. Une artiste que je ne connaissais pas, mais dont je m'apercevrais à cette occasion avoir déjà croisé le travail. 

Photographie de l'exposition de la photographe Julia Margaret Cameron capturer la beauté au Musée du Jeu de Paume
Cela faisait une éternité que je n'avais pas mis les pieds au Jeu de Paume, mais je m'en réjouissais d'avance. A force de passer une bonne partie de ma vie professionnelle dans les grands musées - où l'affluence est telle qu'il devient parfois paradoxalement difficile d'y admirer les oeuvres - la perspective de passer un peu de temps culturel "pour moi seule", dans un musée à taille humaine et moins couru avait de quoi m'enchanter. 
 
Ma première surprise : Margaret Julia Cameron n'a reçu son premier appareil photo qu'à l'âge de 48 ans ! Dès le début de sa courte carrière, a contrario de tous les autres photographes de son époque, elle fait le choix de n'effectuer aucune retouche, laissant également une partie des accidents, tâches, traces de doigts ou rayures, qui font partie intégrante de son travail.
 
Affiche de l'exposition de la photographe Julia Margaret Cameron capturer la beauté au Musée du Jeu de Paume - Sappho avec détails de brisure

Cela m'a paru étrangement rassurant. Comment vous dire ? Toutes proportions gardées, et sans comparaison mal placée avec cette grande artiste, j'ai toujours répugné à retoucher mes photographies. J'ai aussi toujours eu l'impression, à chaque fois que je démarrais une nouvelle pratique artistique, et quelle que soit la quantité de travail et de cœur que j'y mettais, qu'il était "trop tard" pour être prise au sérieux. 

Alors forcément, découvrir les choix et le parcours singulier de Julia Margaret Cameron, a résonné pour moi d'une façon un peu particulière. 
 
Madonne de l'exposition de la photographe Julia Margaret Cameron capturer la beauté au Musée du Jeu de Paume

L'exposition commence par le début : l'année 1864, lorsqu'elle reçoit son premier appareil - cadeau de sa fille de son gendre, et qu'elle investit l'ancien poulailler, qu'elle transforme en studio. Elle se passionne pour le portrait, et photographie aussi bien les enfants de son entourage ou ses domestiques que des célébrités de passage parfois de ses amis.

On remarque toutefois un goût particulier pour la figure féminine, et l'attention portée aux effets de chevelure. L'influence des certains portraits font directement référence aux peintures de Giotto et du début de la Renaissance italienne - et par ricochet se rapprochent de certaines œuvres préraphaélites - on sait notamment que Rossetti était l'un de ses amis 

Photo tirée de l'exposition de la photographe Julia Margaret Cameron capturer la beauté au Musée du Jeu de Paume - Beatrice Cenci May Princep

C'est là que je le vois : ce regard clair, fascinant, celui de May Princep. Et je me rappelle : j'ai déjà croisé cette photoJ'étais restée de longs instants absorbée par ce portrait de Julia Margaret Cameron représentant la jeune femme en Beatrice Cenci - aristocrate italienne du 16e siècle ayant participé à l'assassinat de son père, violent et incestueux - à l'exposition "Héroïnes romantiques" au Musée de la vie Romantique, l'an dernier. 

Il y a quelque chose de profondément troublant dans le contraste entre la violence associée traditionnellement à ce personnage, et l'impression de tristesse qui se dégage de ce beau visage. Du cadrage très serré à l'utilisation du flou qui encadre de près les traits, en passant par le point de vue sur le personnage lui-même, un œuvre très moderne à bien des égards. 

Affiche de l'exposition de la photographe Julia Margaret Cameron capturer la beauté au Musée du Jeu de Paume  - les adieux de Lancelot et Guenièvre et frère Laurent et Juliette

La dernière partie de l'exposition est consacrée à ses récits illustrés. La légende arthurienne, Roméo et Juliette ont compté parmi les sources choisies par Cameron mais également de nombreux poèmes .

Dans les œuvres présentées auparavant dans l'exposition, portrait du modèle et du personnage étaient déjà intimement liés, parfois sans limite claire. Ici l'excuse du récit permet ici à l'artiste de pousser encore davantage la recherche d'expressivité. Son soin de la composition et de la pose n'est pas spécifique à son travail sur le récit, mais il peut être ici poussé à l'extrême.

Affiche de l'exposition de la photographe Julia Margaret Cameron capturer la beauté au Musée du Jeu de Paume  - dans un jardin de roses

Détail non négligeable pour les arpenteurs réguliers des musées - mais pas seulement - nul besoin de jouer des coudes pour admirer ces œuvres. Il est dommage qu'une telle artiste n'attire pas davantage les foules - ce que la campagne d'affichage massif dans le métro semble confirmer - mais il est de plus en plus rare de pouvoir visiter des expositions dans de telles conditions. 

Vous l'aurez compris, j'ai tout particulièrement aimé cette exposition, parfaitement à mon aise dans l'univers de cette photographe dont l'esthétique fait écho à tout un pan de ce que j'aime dans les arts : une grande théâtralité qui n'exclut pas une profonde humanisation de ses sujets, fussent-ils personnages de fiction. 

La note tout à fait subjective et qui n'engage que moi  5/5

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Écrits et clichés de Julia Margaret Cameron

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