Avis expo : Léon Monet - frère de l'artiste et collectionneur

Au Musée du Luxembourg 

Du 15 mars au 16 juillet 2023

Lorsqu'on se penche sur la famille d'un artiste, il est courant de voir évoquer ses parents, sa vie amoureuse ou sa descendance, mais beaucoup moins ses frères et soeurs. Ce sont des personnes dont on parle finalement par exception : il faut a minima un incident fondateur pour l'artiste en question, la présence d'un frère ou d'une soeur célèbre, ou un impact particulier sur leur carrière ou leur postérité pour que l'on entende parler des "frères de" ou "soeurs de", comme c'est le cas pour Théo Van Gogh par exemple.  

Ainsi, depuis le temps que je présente le travail de Claude Monet, je n'avais jamais réalisé que ce dernier avait un frère. Soit que l'information ait été supposée assez peu intéressante pour ne figurer dans aucun des ouvrages que j'ai lu, soit que moi-même je l'aie écartée inconsciemment, n'en faisant aucun usage. 

C'est donc avec étonnement que j'ai découvert non seulement l'existence de Léon Monet, mais aussi la relation fort intéressante entre sa vie et celle de Claude. Léon a été parmi les premiers collectionneurs de l'impressionnisme, à commencer par les toiles de son frère, logiquement, mais pas seulement. Encore plus fascinant : Léon était... chimiste en couleurs ! Lorsqu'on sait l'importance de la couleur pour les impressionnistes,  surtout chez Claude Monet, cette information prend une saveur toute particulière. 

La première partie de l'exposition s'intéresse à la jeunesse au Havre des deux frères - nés à Paris - et l'évocation des paysages qu'ils ont connus au travers des photographies de Gustave Le Gray. A la même époque, le jeune Claude Monet commence à dessiner et à se faire payer pour ses petites caricatures.  

Puis nous découvrons - ou redécouvrons - la famille des frères Monet. On y retrouve notamment leur père, Adolphe, et leur épouse respective mais aussi Claude lui-même, peint par son ami Renoir. Les deux fils de Claude sont présents ici : Michel, en petit bonnet à pompon et Jean, qui assistera son oncle Léon dans ses travaux de chimie. Quelques portraits rappellent également la seconde famille de Monet - qui fut de cœur avant de devenir pleinement officielle - celle des Hoschedé. 

S'intéresser à Léon, c'est aussi comprendre la postérité de la famille Monet : Michel et Jean étant décédés sans enfants, les descendants d'aujourd'hui sont ceux de Léon. C'est ce que rappelle un arbre généalogique illustré de photographies, pour une part inédites : les chercheurs en ont découvert l'existence dans les collections de la famille Monet lors de la préparation de cette exposition. 

C'est un portrait de Léon - sous le pinceau de son frère - qui accueille le visiteur dans la partie s'intéressant à sa collection. Si ce tableau orne aujourd'hui l'affiche de l'exposition, c'est pourtant la première fois qu'il est présenté au public : l'histoire raconte qu'alors que Claude s'apprêtait à le terminer, Renoir entra dans la pièce et lui recommanda de ne plus y toucher ! Léon n'a peut-être pas apprécié ce côté inachevé et il ne montra jamais le tableau. 

Dès 1870, Léon commence à se constituer une collection d'art impressionniste, qu'il fera photographier, et dont un certain nombre de tableaux sont ici exposés. 

Puis, l'exposition s'intéresse aux différentes demeures normandes de Léon, où sont venus séjourner les peintres, à Rouen ou sur la côte. Il est à ce titre fort intéressant de pouvoir comparer deux peintures de Claude Monet ayant pour sujet les falaises d'Etretat : l'une date de 1864, l'autre de 1884. Entre les deux, vingt ans, et une révolution de son style. 

L'année 1874 marque un tournant dans la carrière des deux frères : alors que Claude expose Impression soleil levant - qui donnera indirectement son nom à l'impressionnisme - Léon commercialise en France les couleurs d'une société suisse : Geigy & company. Produites à base d'aniline, ces nouvelles couleurs de synthèse vont permette de teindre les textiles à peu de frais, notamment des tissus d'inspiration japonaise et indienne. 

Enfin, nous arrivons au terme de cette visite avec la série sur la cathédrale de Rouen et des toiles effectuées à Giverny alors que Claude Monet souffrait de cataracte. Une maladie qui prive de la vue, puis immédiatement après opération - quand elle a lieu - influence également la vision des couleurs. Ses tableaux deviennent plus abstraits, ses coups de pinceau plus larges. Un nouveau tournant dans sa peinture  particulièrement admiré par les peintres abstraits de la seconde moitié du XXe siècle, qui verront en Claude Monet un précurseur.  

Mais où est donc passé Léon dans cette dernière partie ? Il semblerait que le parcours n'ait pas résisté à la tentation de se recentrer sur la célébrité de la fratrie et sa relation à la couleur - sujet fort intéressant au demeurant - mais s'éloignant du personnage central de l'exposition. 

Les expositions "de niche" siéent mieux au Musée du Luxembourg que les thèmes plus grand public. Faute d'espaces d'expositions assez grands, il lui faut se contenter de sujets plus restreints sous peine de laisser sérieusement le visiteur sur sa faim. 

Avec Léon Monet, le musée fait mouche, en explorant autant la passion commune des deux frères pour la couleur, que la personnalité d'un collectionneur moderne doublé d'un professionnel avisé. Un peu dommage qu'on le perde de vue sur la toute fin. 

La note tout à fait subjective et qui n'engage que moi  4/5

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