Affiche film - la brigade des 800

Un film de Hu Guan

Disponible en DVD, Blu-ray et VOD

1937 : Shanghaï est encerclé par l'armée japonaise. Huit cents soldats chinois se sont retranchés dans un entrepôt en plein coeur de la ville, et refusent d'abandonner la position. Commence alors le combat de leur vie, eux qui devinrent les héros d'une nation..

 

 

J'ai beau m'intéresser à l'histoire, je suis toujours frappée par ces événements qui sont emblématiques pour un peuple, un pays, une communauté, et que je m'étonne de n'avoir pas croisé avant. C'est le cas de la défense de l'entrepôt Sihang en 1937, où quelques centaines de soldats chinois ont tenu tête à l'armée japonaise pour défendre Shanghai. Un symbole fort pour les Chinois, un jalon dans l'histoire de la seconde guerre sino-japonaise, quelques années avant que ce conflit ne s'inscrive dans le cadre plus large de la seconde guerre mondiale. 

Le film La brigade des 800 est directement inspiré de cet événement historique. Avec un budget de 80 millions de dollars et plus de 425 millions de dollars de recettes au box-office en Chine, le film est devenu le blockbuster de l'année 2020. 

Image film la brigade des 800

Quand je lance le film pour le visionner, tout ce que je sais est qu'il est inspiré de faits réels et qu'il s'agit de la guerre sino-japonaise à laquelle je ne connais strictement rien.  Ce qui signifie, que contrairement à un public chinois - et peut-être japonais aussi, d'ailleurs? -  je n'ai absolument aucune idée préconçue associée à cet événement comme je pourrais en avoir sur le Débarquement ou Verdun par exemple. Je suis donc très curieuse, et à la fois un peu inquiète : sans référence culturelle, ni historique, vais-je réussir à réellement comprendre le film ? 

Dans l'ensemble, l'intrigue est tout de même assez simple : d'un côté l'armée chinoise, de l'autre l'armée japonaise. Pour décor, Shanghai en ruines. A une exception près : les concessions étrangères, épargnées par les combats pour des raisons diplomatiques. D'un côté de la rivière Suzhou, la guerre, la désolation, l'obscurité, les ruines ; de l'autre, les néons, la vie bruyante et colorée de quartiers cosmopolites où l'abondance règne et d'où-  hormis l'afflux de réfugiés - la guerre semble lointaine. 

Image film la brigade des 800

La grande force de ce film, c'est de s'appuyer sur le contraste entre ces deux mondes. Au départ, côté concessions étrangères, la guerre, de l'autre côté de la rivière, c'est surtout un spectacle. Les habitants, Chinois ou étrangers, s'agglutinent le long des berges pour suivre les combats en cours, inconscients du danger. Pour les expatriés européens et américains, l'évènement est vu soit comme un scoop potentiel - si l'on est journaliste - soit comme une succession d'évènements observés avec distance, voire cynisme. 

Puis peu à peu, la résistance des soldats réveille chez la population chinoise de ces quartiers un patriotisme enfoui : tous prennent peu à peu part à ce combat, de façon active ou symbolique. Une bonne part de l'émotion provient curieusement de ce revirement, plus que de la résistance des soldats eux-mêmes, rarement présentés comme héros, individuellement, et dont la force vient toujours du collectif. 

Image film la brigade des 800

C'est un autre aspect de ce film que j'ai trouvé très curieux. Il compte de nombreux personnages. Trop, même, au regard de leur importance relative.  On sait peu de choses d'eux, mais ils sont pourtant clairement identifiés. Comme cette patronne de casino, cette prostituée qui chante à sa fenêtre, ces employés, ce professeur d'université à son balcon ou encore cette élégante à voilette poursuivie par les journalistes.

Il y aurait de quoi penser que chacun de ces personnages va être développé, puisqu'ils sont identifiés. Finalement, pas du tout, ce qui est assez déstabilisant. Pourtant, si l'on y regarde de plus près, ils vont tous vont effectuer quelque chose - action réelle ou geste symbolique - qui influence le cours du combat, ou l'état d'esprit du film.  La première offre le drapeau que les soldats hisseront au sommet de l'entrepôt qu'ils défendent, la seconde - bien que seulement à moitié chinoise - contribue aux dons pour les combattants, les employés se relaient sous la mitraille pour tirer un câble téléphonique entre les deux rives, le professeur finit par abattre un soldat japonais, et la belle vedette, émue par la situation, refusera qu'on la filme : ce n'est pas un spectacle. Chacun montre son implication et fait ce qu'il peut, à son niveau, mais jamais on ne s'attarde sur chacun d'eux. Est-ce parce que la culture chinoise valorise l'individu dans ce qu'il apporte au collectif plus que pour lui-même ? Est-ce simplement quelque chose de souhaité par le réalisateur ? 

Image film la brigade des 800

Le seul personnage sur lequel on s'attarde davantage, finalement, c'est le colonel qui commande la brigade, Xie Jinyuan. Et encore, surtout à la fin du film. Dans son comportement, il correspond davantage à l'archétype du héros militaire - du moins tel qu'on l'imagine dans les films américains avec lesquels nous sommes globalement plus familiers - à la fois soucieux de ses ordres, de l'honneur et de ses hommes. A moins que, comme un interlocuteur plus politicien le lui rappelle à la fin, ce soin de l'honneur ne soit en réalité que de l'orgueil personnel, sentiment qui n'aurait pas sa place dans une vision plus collective ? Un message plus subtil qu'il n'y paraît et dont j'ignore une fois de plus si elle découle du point de vue du réalisateur ou d'une mentalité culturelle chinoise plus large. 

Les séquences d'actions très intenses, chaotiques, où l'on peine à vraiment comprendre ce qui se passe, alternent avec la longue attente, la saleté, la lâcheté, la peur, le sang. Sans être dans le gore, l'ensemble m'a semblé moins lisse que ce que j'avais l'habitude de voir et moins convenu : vous savez, cette impression, parfois, de sentir à l'avance dans un film de guerre qui va mourir et qui va survivre ?  Eh bien ici, la mort frappe sans distinction, sans logique apparente, même scénaristique. Une vision sans doute plus réaliste - ou nihiliste -  de la guerre. 

Image film la brigade des 800

Alors voilà. Après avoir vu le film, j'ai fait quelques recherches sur le sujet, à minima pour tenter de replacer les faits dans leur contexte historique et de dissocier ce qui était réel de ce qui était purement scénarisé.

De ce que j'ai pu en déduire, rapidement, c'est que bien que le scénario se soit inspiré de faits réels, tout a été largement dramatisé. Par exemple, les combats ont duré sept jours en réalité mais semblent s'étirer beaucoup plus dans le film, à moins que j'aie mal saisi ; le nombre de morts et blessés à chaque assaut est considérable dans le film ce qui semble ne pas avoir été le cas en réalité; ou encore le gaz moutarde - dont les japonais ont par ailleurs fait usage dans le reste de Shanghai -  n'a précisément pas été utilisé lors de l'attaque de l'entrepôt à cause de la présence étrangère proche. 

Bref, tout a été amplifié - comme cela peut l'être au cinéma - en partant de faits réels. Attention donc, comme souvent dans des films "historiques", à bien identifier ce qui relève du procédé cinématographique pour créer de l'épique, de l'empathie ou du symbole. L'occasion de rappeler qu'un film - sauf mention contraire - n'est pas un documentaire, et que si le réalisateur peut se permettre - dans une mesure raisonnable - quelques écarts et raccourcis pour servir sa dramaturgie, il appartient au spectateur de faire la part entre l'aspect purement historique et l'aspect fictionnel (et c'est d'ailleurs souvent passionnant à démêler). 

 

Image film la brigade des 800

 

Alors, verdict ? Je dois avouer n'avoir pas toujours compris ce qui se passait, notamment pendant les scènes de combat. Faute de références culturelles, je n'ai pas non plus saisi un certain nombre de symboles qui semblaient pourtant importants, comme le cheval blanc ou encore les personnages de héros chinois évoqués dans l'opéra traditionnel - du moins je crois que c'est bien de cet art qu'il s'agit - et le théâtre d'ombres. Mais quoi de plus normal lorsqu'on aborde une oeuvre qui émane d'une culture différente de la sienne ?

En revanche c'est la première fois que je découvrais un film de guerre qui n'était ni européen, ni américain, et forcément, cela donne une autre façon de voir les choses. Difficile d'analyser exactement pourquoi l'ensemble m'a semblé si différent, mais jamais je n'ai eu l'impression de quelque chose d'évident, ou de convenu. J'ai souvent été intriguée, ou surprise. Ne serait-ce que pour cela - et pour la découverte d'un morceau d'histoire méconnu - La brigade des 800 s'avère une oeuvre qui sort de l'ordinaire, plus intéressante qu'on ne pourrait le croire de prime abord. 

 

La note tout à fait subjective et qui n'engage que moi  3/5

 

Avec Zhi-Zhong Huang, Wu Jiang, Chun Du
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