Affiche exposition Peintres femmes - Musée du Luxembourg

Au Musée du Luxembourg 

Du 19 mai au 4 juillet 2021 (prolongation jusqu'au 25 juillet) 

Après des mois de fermeture des lieux culturels, c'est avec une grande impatience que j'attendais de pouvoir à nouveau arpenter les salles des musées. C'est donc au Musée du Luxembourg que mon déconfinement culturel s'initie, avec l'exposition Peintres Femmes, 1780-1830 : naissance d'un combat.  

 

Le sujet semblait très revendicatif. Or, à y regarder de plus près, le simple titre Peintres femmes - et non Femmes peintres comme le langage courant l'aurait plus volontiers dit - révèle l'angle choisi : les peintres dont les oeuvres sont ici exposées sont montrées comme artistes avant tout, et femmes ensuite. L'exposition sort donc de la logique de traiter leur travail uniquement sous le prisme idéologique de l'opposition homme/ femme.  Et c'est tant mieux.  

On y découvre quelque chose d'étonnant : entre 1780 et 1830 de nombreux peintres femmes de grande qualité ont été formées, ont travaillé, ont exposé, et ont été reconnues pour leur talent. Dans quel contexte ? Qu'est ce qui l'a rendu possible ? 

Musée du Luxembourg - exposition peintres femmes

Tout commence en 1783 avec la réception conjointe de deux peintres - déjà connues et reconnues - à l'Académie Royale de peinture et de sculpture : Elisabeth Vigée Lebrun - portraitiste de Marie-Antoinette - et Adélaïde Labille-Guiard. Elles ne sont pas les premières à y être admises, certes, mais la réception de ces deux "peintresses" comme l'on dit à l'époque, ne se fait pas sans remous : on décide de limiter leur nombre maximum à quatre.

On craint que la multiplication des artistes femmes ne mette en péril la hiérarchie des genres picturaux et notamment, à son sommet la peinture d'histoire : regroupant sujets historiques, mythologiques et religieux elle est considérée comme le genre le plus noble. Or, les femmes, pour des raisons de moralité, n'ont pas accès aux cours de nu donnant les connaissances anatomiques nécessaires à la peinture d'histoire. On ne voudrait pas avoir trop de membres de l'Académie reçus dans des genres dits mineurs ! 

Adrienne Marie Louise Grandpierre-Deverzy : L'atelier d'Abel de Pujol - exposition peintres femmes

Un peu avant la Révolution, la bourgeoisie s'approprie les codes de l'éducation de l'aristocratie. La maîtrise du dessin et la pratique musicale deviennent alors des atouts valorisés chez les jeunes filles et certaines artistes femmes commencent à en former de nouvelles.

Cette tendance s'accélère après la Révolution et de nombreux peintres hommes ouvrent alors des sections féminines dans leurs ateliers et des cours privés. De nouvelles artistes se professionnalisent et exposent : au Salon de 1820, elles représentent 15% des artistes exposés ! 

Musée du Luxembourg - exposition peintres femmes

Au travers de leurs oeuvres, et de celles les représentant, c'est tout ce contexte artistique, historique et social qui est donné à voir à nos yeux de spectateur moderne. L'occasion d'admirer leur travail et de rappeler (ou d'apprendre) qu'il y a eu à cette époque de nombreuses artistes femmes reconnues de leur vivant et louées pour leur talent. 

L'occasion, également, de s'interroger : pourquoi si peu d'entre elles sont-elles passées à la postérité ? Est-ce pour des raisons idéologiques, faute d'avoir véritablement accédé à la peinture d'histoire, étant plus nombreuses à pratiquer des genres dits mineurs ? Est-ce parce qu'elles étaient femmes, ou simplement beaucoup moins nombreuses, qu'à quelques exceptions près leur travail a été écarté des ouvrages d'histoire de l'art ? 

Peinture - Louise Joséphine Sarazin de Belmont : Naples, vue du Pausilippe - exposition peintres femmes

Toutes ces questions méritent d'être posées, et elles le sont. Sans présupposé, mais à la lumière d'un contexte précis. Que leur statut de femme, dans une classe sociale donnée, dans une société donnée, à une époque donnée ait influencé leur oeuvre, la réception de celle-ci et sa postérité ? Bien sûr ! Aucun artiste ne travaille ni n'expose "hors sol". Mais il serait dommage de les limiter à cette seule caractéristique de sexe. Comme l'indique la commissaire d'exposition Martine Lacas "Ouvrons notre curiosité à autre chose qu'à l'exception qu'elles auraient représenté. Pour un jour ne plus avoir à préciser "peintres femmes"

Comme toujours au Musée du Luxembourg, les dimensions de l'espace d'exposition relativement réduites et ne permettent matériellement pas l'approfondissement des thèmes abordés. Un désavantage que la commissaire d'exposition a entrepris de compenser en développant les cartels : de nombreuses oeuvres sont accompagnées d'un texte qui explicite leur originalité ou leur importance. Prenez votre temps pour les découvrir toutes. 

La note tout à fait subjective et qui n'engage que moi  4/5

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