Avis expo : La belle vie numérique !

A la fondation EDF 

du 17 novembre 2017 au 18 mars 2018 

Après Game : le jeu vidéo à travers le temps, La Belle Vie Numérique! est la deuxième exposition que je vais voir à la Fondation EDF. Comme prévient d'emblée la médiatrice chargée de nous faire visiter les lieux: « il ne s'agit pas d'une exposition d’art numérique ». Elle souligne qu'il s'agit davantage de montrer des oeuvres qui mettent en lumière la façon dont la technologie à changé notre vie, y compris dans la façon de créer.  

Dès l'entrée, le visiteur est amené à faire un choix entre deux parcours, le 0 et le 1, clin d'oeil au système binaire, langage de base de tout ordinateur. Le premier aborde la question du numérique sous un aspect très critique, avant de rejoindre une réflexion plus positive. Le second, quant à lui, invite le spectateur à découvrir l'exposition dans l'autre sens. Si les oeuvres proposées sont bien les mêmes, la façon dont on les aborde peut ainsi être influencée par les problématiques soulevées dans les salles précédentes. Une manière d'inviter le spectateur à réfléchir au contexte d'une oeuvre et à interroger son propre regard. 

Notre groupe ayant choisi le parcours 0, nous débutons la visite par l'espace dédié mettant en scène les aspects plus ambigus de cette fameuse vie numérique : critique des GAFA (Google, Amazon, Facebook, Apple) addiction aux portables, dépendance narcissique aux réseaux sociaux, célébrités éphémères du web, réflexion sur la notion d'identité d'un artiste purement numérique ou sur la nature du geste artistique, lorsqu'il est réalisé par un robot par exemple. 

Ici, entre autres, on trouve le très surprenant résultat de l'expérience The next Rembrandt : après analyse de plus de 300 tableaux du maître hollandais, un algorithme a été capable d'imaginer un nouveau tableau "à la manière" de Rembrandt. Imitant son style, les habits de l'époque, ses clairs-obscurs, l'expression de ses personnages, le programme réalise, plus de quatre siècles après sa mort, un portrait tel qu'il aurait pu être peint par l'artiste. L'impression en haute définition achève de donner une réalité à cette oeuvre saisissante, à laquelle il ne manque, quand on la regarde de près, que l'épaisseur de la matière. D'ailleurs, si vous voulez en savoir plus, je vous invite à aller voir le site www.nextrembrandt.com qui vous racontera tout cela en détail.  

Au premier étage, les oeuvres présentées sont, à mon sens, plus poétiques. On y trouvera notamment le travail de Mattheo Nasini : l'artiste italien enregistre les oscillations de l'activité cérébrale durant le sommeil de ses modèles. Il utilise ensuite ces courbes pour produire une oeuvre sonore - quoi de plus normal en somme, l'onde étant la nature même du son - mais aussi, plus étonnant, des sculptures. Chacune de ces formes représente ainsi une nuit de sommeil. Une façon de donner une réalité physique à quelque chose d'aussi impalpable que le rêve. 

D'autres oeuvres interactives ont également retenu mon attention. L'installation de Véronique Beland, par exemple, met en réseau un appareil photo, un piano et un capteur. Lorsque le spectateur pose sa main sur les capteurs, les éléments concrets tels que la température, le pouls, la pression de la main, sont transmis à un algorithme qui compose une musique unique, personnalisée, jouée par le piano. Au même moment, l'appareil photo se déclenche, et imprime la photo du visiteur, colorisée avec son aura électromagnétique. 

C'est ainsi que le public devient déclencheur de la création de l'oeuvre car à chaque visiteur, les coloris et les musiques sont différentes. Je serais bien en peine de vous expliquer plus avant le fonctionnement et les critères exacts de l'emploi de telle ou telle couleur par exemple, mais je peux vous dire qu'écouter "ma" musique jouée au piano ma semblé étrange,  d'autant que les visiteurs attendant leur tour sont également auditeurs de cette composition faite "sur-mesure". J'ai eu l'impression absurde et pourtant bien présente que cette musique révélait aux autres visiteurs quelque chose d'intime sur ma personnalité ou mon humeur du moment, que je n'avais pas forcément envie de dévoiler... 

Au bas de la photo d'ailleurs, figure un code pour télécharger sa musique mais le mien refusant obstinément de fonctionner, mes états d'âmes intérieurs resteront donc à l'état de souvenirs fugaces ! 

Il y a tellement d'oeuvres différentes dans cette exposition que je ne peux pas toutes vous les détailler, mais en voici une dernière que j'ai particulièrement aimée. Sur un côté de la salle, plusieurs pots de lierre sont suspendus sous le titre "Akousmaflore" et un panneau nous invite à caresser - délicatement - les plantes installées par le collectif Scenocosme. Curieuse, je m'exécute donc... 

A peine effleurées, ces dernières se mettent à produire des sons... Mais comment cela fonctionne-t-il ? J'ai tout d'abord cru qu'il s'agissait du mouvement impulsé au lierre par la main qui produisait une réaction du dispositif. Mais la réponse est à chercher ailleurs, si j'en crois la médiatrice : un courant électrique parcourt naturellement la plante, comme tous les êtres vivants. Ce courant a ici été amplifié par un système installé dans le pot, et dès que l'on touche la plante, le flux électrique est modifié, ce qui déclenche la réaction. Un peu comme sur les écrans tactiles en somme! 

Vous l'aurez compris, cette exposition est très riche, car plus d'une trentaine d'artistes offrent  ici leur point de vue, invitant le spectateur à réfléchir sur le numérique et les changements qu'il a induit dans notre vie quotidienne, qu'il s'agisse de s'informer, de communiquer ou encore de créer. 

Ce qui est frappant, tout de même,- alors que l'art contemporain cherche souvent rompre avec ce qui l'a précédé - c'est que de de nombreux artistes exposés ici cherchent au contraire à s'inscrire dans la continuité de l'histoire de l'Art. On y remarquera notamment des utilisations et réinterprétations de tableaux célèbres comme le Baiser de Klimt ou encore le Jardin des délices de Jérôme Bosch. Une façon de se donner une légitimité ?

Avec autant d'oeuvres, difficile de vous faire un compte-rendu réellement précis ou de vous livrer une critique exhaustive tant les styles, les formats et les esthétiques sont divers. Certaines choses m'ont beaucoup plu, et d'autres m'ont laissée pour le moins dubitative, malgré les explications éclairées de la médiatrice. Le mieux, c'est encore d'aller voir par vous même pour vous faire une idée. Et il va falloir faire vite : l'exposition ferme ses portes dans moins d'une semaine ! 

La note tout à fait subjective et qui n'engage que moi : 3,5/5  

Entrée libre 

Plus d'information sur le site officiel de la Fondation EDF 

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le catalogue d'exposition