Hirondelles-de-kaboul-yasmina-khadraDe Yasmina Khadra

Dans les ruines brûlantes de la cité millénaire de Kaboul, la mort rôde, un turban noir autour du crâne. Ici, une lapidation de femme, là un stade rempli pour des exécutions publiques. Les Taliban veillent. La joie et le rire sont devenus suspects. Atiq, le courageux moudjahid reconverti en geôlier, traîne sa peine. Le goût de vivre a également abandonné Mohsen, qui rêvait de modernité. Son épouse Zunaira, avocate, plus belle que le ciel, est désormais condamnée à l'obscurité grillagée du tchadri. Alors Kaboul, que la folie guette, n'a plus d'autres histoires à offrir que des tragédies. Quel espoir est-il permis ? Le printemps des hirondelles semble bien loin encore...

 

Dès les premières pages, l'auteur nous plonge dans le quotidien de Kaboul sous le régime des Taliban. Et je vous assure, une scène de lapidation dès le matin en partant au boulot, ça fait bizarre ! 

Dès les premières pages, mon indignation contre les propos tenus par les personnages a été forte, particulièrement lorsqu'ils évoquent les femmes. Je me suis demandé pourquoi l'auteur avait choisi des propos finalement assez provocateurs de notre point de vue occidental, et puis, je me suis demandé si je ne prenais pas le problème à l'envers.

Au final, j'en suis arrivé à la conclusion suivante : l'auteur s'attache à reconstituer la mentalité afghane sans prendre parti, et c'est le lecteur seul qui porte le jugement. Une chose assez rare pour être signalée, tant il est à la mode, en ce moment, de dénoncer les choses en en faisant des tonnes, quitte à oublier que le lecteur est doué d'intelligence!

Cet ouvrage montre à quel point les hommes, même parmi les plus éduqués, sont broyés par un système qui annihile toute capacité de réflexion, toute joie, toute musique, toute vie, finalement en faisant régner la peur et la méfiance. Les érudits deviennent de vieux fous, les hommes épris d'égalité finissent par devenir violents, et les croyants, même, finissent par désespérer de ceux qui se réclament des lois divines. Un ouvrage choc.

La note tout à fait subjective et qui n'engage que moi : 5/5

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Atiq est furieux. Il a l'impression que les yeux de la ville l'épient, que Mirza Shah le persécute. Il allonge le pas pour s'éloigner au plus vite, persuadé que l'homme attablé sur la terrasse derrière lui le surveille, prêt a lui lancer des remarques désobligeantes. Il est tellement en colère que, arrivé au coin de la rue, il entre en collision avec un couple, heurtant la femme en premier, puis trébuchant sur son compagnon qui doit s'accrocher au mur pour ne pas tomber à la renverse.

Atiq ramasse sa cravache, repousse l'homme qui tente de se relever et se hâte de disparaître.

- Un vrai mufle, maugrée Mohsen Ramat en s'époussetant.

Zunaira donne des taloches sur le bas de son tchadri.

- Il ne s'est même pas excusé, dit-elle amusée par la tête que fait son mari.

- Tu n'as rien ?

- Hormis une petite frayeur, rien.

- Eh bien, tant mieux.

Ils rajustent leur accoutrement, lui d'un geste irrité, elle en gloussant sous son masque. Mohsen perçoit le rire étouffé de son épouse. Il grogne un instant puis, apaisé par la bonne humeur de Zunaira, il pouffe à son tour. Aussitôt, une trique s'abat sur son épaule :

-Vous vous croyez au cirque ? lui crie un taliban, en exorbitant des yeux laiteux dans son visage brûlé par les canicules.

Mohsen tente de protester. La trique pirouette dans l'air et l'atteint au visage.

-On ne rit pas dans la rue, insiste le sbire. S'il vous reste un soupçon de pudeur, rentrez chez vous et enfermez-vous à double tour.

Mohsen frémit de colère, une main sur sa joue.

-Qu'est-ce qu'il y a ? le nargue le taliban. Tu veux me crever les yeux ? Vas-y, montre voir ce que tu as dans le ventre, face de fille !

-Allons-nous-en, supplie Zunaira en tirant son époux par le bras.

-Ne le touche pas, toi; reste à ta place, lui hurle le sbire en lui cinglant la hanche. Et ne parle pas en présence d'un étranger.

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