De Georges Orwell 

Aux éditions Folio 

1984. Océania, dominée par un gouvernement totalitaire que dirige l'omniprésent `Big Brother', est en guerre avec ses voisins Estasia et Eurasia. Contrôlée au travers d'innombrables écrans, la vie de chacun y est misérable. Peu de choses sont formellement interdites, mais tout comportement sortant de l'ordinaire est suspicieux, et comme tel, peut faire l'objet d'une dénonciation. Au sein même des familles. La suite? Le suspect disparaît. A-t-il jamais existé, d'ailleurs ?

Modeste employé au Miniver, le ministère de la Vérité, Winston Smith décide un jour d'accomplir un acte insensé : consigner ses réflexions dans un journal intime. 

 

C'est en trouvant cet ouvrage dans la bibliothèque d'échanges de mon immeuble que j'ai réalisé que je n'avais jamais lu ce classique de la science-fiction. J'avais bien quelques idées en tête - Big brother, la critique du communisme, la manipulation du langage - mais guère davantage. Savoir de quoi parle un livre et en avoir fait l'expérience en tant que lecteur étant deux choses très différentes, ni une ni deux, j'emporte le livre. 

Je suis rentrée dans cet ouvrage plus facilement que je ne l'aurais pensé. La description de l'univers quotidien de Winston, la restriction de sa liberté, la surveillance et la méfiance constante de tous envers tous rappellent sans aucun doute les récits de personnes ayant vécu - ou vivant- au sein de régimes totalitaires. Si l'on sait, historiquement, que c'est au communisme qu'Orwell s'attaque, l'ignorer ne change pas grand chose à la compréhension de l'ouvrage : la dictature de Big Brother possède les caractéristiques de tous les régimes autoritaires. 

Ce qui m'a particulièrement intéressé - ayant étudié les langues et l'histoire - c'est précisément la façon dont la politique du "Parti" va, d'une part volontairement appauvrir la langue pour limiter la possibilité même de formuler une pensée, et d'autre part systématiquement réécrire l'histoire en fonction de l'actualité du moment. 

Le Parti de Big Brother va de ce point de vue là plus loin que les dictatures existantes, et pousse à l'extrême ces idées, non seulement dans un souci de contrôle et d'oppression, mais comme une fin idéale en soi : si l'on ne peut formuler une pensée, on ne peut plus non plus en concevoir une à l'encontre du parti. Pour l'histoire, c'est le même schéma : on ne se contente pas de détruire les ouvrages ou les journaux anciens : on les réécrit entièrement en fonction de la politique du moment. Ils existent donc toujours, mais on ne peut plus s'y référer avec certitude. C'est d'ailleurs le travail de Winston, le personnage principal de cet ouvrage. 

Car celui qui est éliminé par le Parti n'est pas seulement tué : on ne pourra trouver nulle trace de son existence humaine nulle part, ni dans les registres, ni dans les journaux puisque tout ce qui le concerne sera systématiquement réécrit et son nom effacé. La discipline même du parti exige que les personnes mêmes qui l'ont connu doivent l'effacer volontairement de leur mémoire, comme s'il n'avait jamais existé. D'ailleurs, cette personne n'a jamais existé. Point. 

C'est d'ailleurs l'un des points de départ de la rébellion de Winston : alors que plus rien ne peut matériellement le prouver, il se souvient d'un événement antérieur à sa réécriture et s'accroche à l'idée qu'il a détenu, un jour, une minuscule et éphémère preuve que sa mémoire avait raison. 

Orwell tisse un monde sous constante surveillance, où toute individualité a été abolie ainsi que le désir sous toutes ses formes, où la frustration est canalisée envers des boucs émissaires désignés - et probablement eux-mêmes fabriqués - où le langage n'existe que sous une forme dégradée, où la pensée n'existe plus, où la mémoire personnelle est constamment reprogrammée, et l'histoire réécrite. La vision d'un monde infernal dans lequel on doit, en toute sincérité croire tout et son contraire selon les circonstances dictées par le Parti. Un endroit où absolument tout ce que l'on croit inaliénable finit par être retiré à l'individu. Glaçant. 

La note tout à fait subjective et qui n'engage que moi  4/5

Il était possible, sans aucun doute, d'imaginer une société dans laquelle la "richesse" dans le sens de possessions personnelles et de luxe seraient également distribué, tandis que le "savoir" resterait entre les mains d'une petite caste privilégiée. Mais, dans la pratique, une telle société ne pourrait demeurer longtemps stable.

Si tous, en effet, jouissaient de la même façon de loisirs et de sécurité, la grande masse d'êtres humains qui est normalement abrutie par la pauvreté pourrait s'instruire et apprendre à réfléchir par elle-même, elle s'apercevrait alors tôt ou tard que la minorité privilégiée n'a aucune raison d'être, et la balaierait. En résumé, une société hiérarchisée n'était possible que sur la base de la pauvreté et de l'ignorance.

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