A la grande halle de la Villette 

Du 23 mars au 22 septembre 2019

 

Cette exposition n'est pas ordinaire à bien des égards : d'abord, il y a la fascination qu'exerce immanquablement Toutânkhamon, depuis la découverte en 1922 de sa tombe, de ses trésors, et de toutes les légendes qui vont avec. Ensuite, il y a cet attrait français pour l'exotisme de l'Egypte, qui ne s'est pas démenti depuis le retour de la campagne napoléonienne début 19e. Enfin, il y a la rareté de la chose : la dernière exposition de cette envergure datait de 1967. Et ce n'est pas tout : les objets font ici leur dernier tour du monde avant de rejoindre l'an prochain le tout nouveau Musée du Caire. Un projet pharaonique - c'est le cas de le dire -  qui sera deux fois plus grand que le Louvre, et dont l'attraction principale sera sans aucun doute ce trésor de Toutânkhamon. Autant vous dire que l'on n'est pas prêt de les revoir par ici avant très longtemps. 

J'ai pourtant hésité un moment avant d'y aller. L'exposition valait-elle le réellement le coup, au delà de l'effet blockbuster ? Sa fréquentation record me la rendait suspecte, d'autant que les avis autour de moi étaient mitigés : exceptionnelle, trop courte, trop de monde, magnifique, décevante, simpliste... j'avais tout entendu. Y aller ou ne pas y aller, telle était la question. Finalement, j'ai pris mes billets, avec une résolution : me faire ma propre idée ! 

En arrivant devant la grande halle de la Villette avec mes billets horodatés, j'ai quand même eu un moment de doute en voyant la foule. Je me suis dit qu'il fallait être un peu masochiste pour replonger, sur son jour de congés, dans un lieu à l'ambiance aussi avenante que la salle de la Joconde en plein mois de juillet. 

Après l'inévitable - et malheureusement nécessaire - parcage, les visiteurs sont introduits par petit groupes dans une première salle, accueillis par le sceau du jeune pharaon. 

Les Egyptiens pensaient qu'une personne meurt deux fois : le jour où son corps meurt, et celui ou meurt la dernière personne ayant prononcé son nom"

Ainsi commence le film d'introduction qui relate en quelques minutes la découverte incroyable - et mythique - de la tombe de Toutânkhamon. Un jeune pharaon, mort autour de sa dix-neuvième année, dont le nom n'est lié à aucun événement historique majeur, jusqu'à ce qu'Howard Carter et Lord Carnavon ne le sortent de l'oubli. Car c'est bien le contenu de son incroyable tombeau, soustrait aux pillages, qui a fait passer son nom à la postérité. Et avec quel éclat !

Deux portes s'ouvrent sous l'écran, nous donnant enfin accès à l'exposition elle-même. La disposition des différentes vitrines - éparpillées dans la salle plutôt qu'alignées le long des murs - permet d'emblée de diviser le flot de visiteurs sans créer d'effet de masse. 

Pour moi, la magie fut immédiate. Que je vous explique : quand j'avais dix, douze ans, je me suis prise de passion pour l'Egypte. Après des années à me rêver paléontologue ou vulcanologue, j'ai plongé dans l'égyptomanie, dévorant tous les beaux livres et romans me passant sous la main, m'appliquant à recopier des hiéroglyphes dans l'espoir de pouvoir les lire un jour, me rêvant dans les sables de la vallée des rois, un pinceau à la main, découvrant des trésors enfouis. 

Alors forcément, voir ici en vrai les objets que j'avais si souvent admirés dans les livres m'a ému plus que de raison. J'ai également remarqué - chose dont je ne m'étais pas vraiment aperçue à l'époque - la finesse du décor, les ciselures, les incrustations, et surtout leur incroyable état de conservation. Il y avait quelque chose d'irréel à déambuler dans la pénombre au milieu d'autant de trésors. 

Côté explications, l'exposition évoque la vision de la mort chez les Egyptiens de l'antiquité, et nous invite à suivre le jeune pharaon défunt dans son périple vers le royaume d'Orisis, Dieu des morts.

Chaque objet présenté est l'occasion d'évoquer à la fois la vie mortelle de Toutânkhamon et le cheminement de son âme dans l'au-delà. Des pièces plus remarquables les unes que les autres, que l'on découvre dans une ambiance plutôt sombre, faisant ressortir l'incroyable richesse des ors et des couleurs.  

Alors oui, on pourra reprocher aux explications d'être dans l'ensemble assez succinctes. Alors oui, il y a trop de monde. Des grincheux qui râlent parce que certains regardent une vitrine alors qu'ils veulent prendre une photo, et d'autres qui grognent contre ceux qui prennent des photos. On peut s'interroger sur le prix contesté des billets, qui plus est majorés en soir et week-end. On peut aussi s'indigner contre la désagréable impression d'être vraiment pris pour des pigeons au passage dans la boutique souvenir. 

Mais franchement, un ton résolument synthétique pour une exposition si grand public, est-ce vraiment si mal ? J'y ai passé plus de deux heures, et je ne suis pas sûre d'avoir tout lu. Le monde fou ? C'est la rançon du succès! Le prix des billets ? Il s'agit d'une organisation privée qui peut bien fixer les tarifs qu'elle veut, et cela nous rappelle aussi que nous avons de la chance en France d'avoir des musées nationaux qui organisent des expositions à des tarifs encore raisonnables. Il n'y a qu'à la boutique souvenir que je n'ai trouvé aucune excuse : j'ai donc pris le parti de ne rien y acheter. 

Ici, la qualité de l'exposition elle-même n'est nullement à remettre en question. Les pièces exposées - dont certaines sont visibles pour la première fois hors d'Egypte - sont de très grande qualité. Les explications sont claires et les termes techniques expliqués, ce qui la rend extrêmement accessible. Pour ma part, je suis passée outre la foule et les grincheux pour prendre mon temps. Le temps de laisser aux gens devant moi regarder les vitrines - ils ont payé leur billet comme moi, qu'ils souhaitent prendre des photos ou regarder plus longuement les objets - le temps d'observer moi-même les objets avec attention, d'en admirer les détails et de m'extasier devant leur finesse. Je ne l'ai pas du tout regretté : j'ai goûté chaque seconde, chaque trésor de cette exposition. Et qu'importe tout le reste ! 

La note tout à fait subjective et qui n'engage que moi : 4/5

 

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