Au théâtre la croisée des Chemins 

Mise en scène de Vincent Marbeau 

D'après Victor Hugo Le dernier jour d'un condamné

Si Victor Hugo compte parmi mes auteurs favoris, force est de constater que sa production est telle - en romans, en théâtre, en poésie - que je n'en ai lu qu'une infime partie. Cela ne m'empêche pas de profiter de chaque occasion possible pour en découvrir davantage. Je suis une opportuniste de la découverte ! 

Aussi, lorsqu'on me propose d'assister à une représentation de la pièce Condamnée, elle-même adaptée du roman Le dernier jour d'un condamné, de Victor Hugo, donc,  je n'ai pas hésité une seconde. Il s'agit d'une oeuvre à laquelle j'ai curieusement, échappé pendant ma scolarité, probablement, parce que la professeure que nous savions engagée contre la peine de mort avait  jugé que le film La dernière marche nous marquerait davantage. Et sans doute avait-elle raison, à l'époque. Du roman d'Hugo, donc, je ne connaissais que l'opinion engagée, mais rien de plus. 

C'est dans le minuscule théâtre la croisée des chemins, dans le 15e arrondissement, que mes pas me mènent. Là, j'appréhende tout de suite la proximité de la route : j'ai une tendance à voir la salle de spectacle comme un espace protégé, presque sanctuarisé, hors du temps et de la vie quotidienne, et je dois admettre que dans ce cas-ci, les bruits de la rue me semblaient trop inexorablement présents. Et puis, dès les premières minutes, j'oublie complètement le bruit ambiant, happée par la force de l'écriture de Victor Hugo.

Un mur sale, une chaise rouge. Rien de plus. Dans cet espace pourtant quasiment vide, le texte d'Hugo montre sa puissance peu commune, créant les images et les rendant vivantes. La salle du tribunal s'anime, on y voit les personnages que Hugo sait si bien dépeindre, avec leurs petites manies, leur condescendance, et des habitudes bourgeoises dont on pourrait rire, si elles n'apparaissaient pas comme si dénués de pitié, si indécentes, dans le contexte.

Hugo décrit la torture psychologique du personnage principal, son angoisse, ses doutes, mais également son atroce lucidité. C'est également une remarquable peinture du lent et méthodique déroulement de la justice : le jugement, le transfert, les procédures d'appel, l'attente, la solitude, l'espoir, et l'inexorable fin, qui prend la forme d'une lugubre machine à lame triangulaire dont la condamnée ne prononcera pas même le nom.

La comédienne Betty Pelissou fait le choix de servir les mots de l'écrivain, sans grandiloquence, dans une mise en scène des plus sobres. Elle prend le temps de laisser les mots résonner, en jouant chaque silence, montrant tour à tour toutes les couleurs de l'âme humaine au travers de cet unique personnage. D'ailleurs, de son crime, on ne saura pas grand-chose. Tout au plus que le sang a été versé. Préméditation ? accident ? Aucun détail supplémentaire ne viendra étayer le passé de la condamnée. Rien qui puisse biaiser le jugement par des circonstances précises. Ce plaidoyer est contre la peine de mort par principe, quel que soit le crime, quelles que soient les circonstances. 

Le lien est immédiat entre cette Condamnée et les spectateurs, un sentiment renforcé encore par les dimensions réduites du théâtre, si bien qu'il nous semble parfois être nous aussi entre ces quatre murs. Seul petit bémol, bien minuscule au regard du reste, j'avoue avoir trouvé que les passages musicaux - matérialisant les ellipses de temps -  ne trouvaient pas vraiment leur place, brisant le silence pesant du cachot, et détricotant parfois une tension pourtant si bien tissée. Une affaire de style musical ? Peut-être.

Reste une pièce poignante, où résonne les mots d'un écrivain farouchement engagé contre la peine de mort. Et comme souvent, avec Victor Hugo, on est frappé par l'implacable actualité d'un texte pourtant écrit il y a presque deux siècles. Quel que soit l'avis que l'on peut avoir sur la question, on ne peut, sans doute, y rester insensible.

La note tout à fait subjective et qui n'engage que moi : 4/5 

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