Avis opéra : Lucia di Lammermoor
A l'opéra Bastille
Du 18 février au 10 mars 2023
Un opéra de Gaetano Donizetti
Direction musicale : Aziz Shokhakimov
Mise en scène de : Andrei Șerban
Distribution :
Enrico Ashton : Mattia Ollivieri
Lucia di Lammermoor : Brenda Rae
Edgardo di Ravenswood : Javier Camarena
Arturo Bucklaw : Thomas Bettinger
Raimondo Bidebent : Adam Palka
Alisa : Julie Pasturaud
Normanno : Éric Huchet
Dans les collines de Lammermoor, au Sud de l'Écosse, Lucia retrouve à chaque aurore un mystérieux jeune homme dont elle est amoureuse : Edgardo, de la lignée des Ravenswood. Mais les amants sont issus de deux familles ennemies et n'ont pas le droit de s'aimer...
Lucia de Lammermoor est un opéra que j'aime beaucoup, parce qu'il exalte ce thème des amants maudits que j'affectionne particulièrement. Un opéra romantique à souhait, avec un orage qui compte parmi mes pièces d'orchestre favorites.
Si j'avais choisi d'aller voir cette production, c'était pour la présence de Javier Camarena, ténor que j'avais vu - et entendu - à plusieurs reprises sur des retransmissions, mais jamais en vrai. Il m'avait particulièrement ému en Edgardo dans une production du Teatro Real avec Lisette Oropesa, et c'est donc naturellement que, l'occasion se présentant de le découvrir sur scène dans ce même rôle, j'ai pris mes billets.
Je ne connaissais aucun autre membre de la distribution et j'ai été très agréablement surprise. J'ai déjà évoqué Camarena, qui m'a prise aux tripes lors de l'adieu final, mais il m'a semblé que l'ensemble du plateau était lui aussi remarquable. Le baryton Mattia Olivieri - qui fait ici ses débuts à l'Opéra de Paris - prête notamment sa voix à un Enrico moins monolithique qu'il est habituellement représenté et davantage en proie au doute. Artiste à suivre.
Dans le rôle si complexe de Lucia, j'ai trouvé la soprano Brenda Rae fantastique de nuances, sans démonstration superflue. J'ai parfois l'impression - particulièrement dans les rôles coloratures - d'entendre la soprano montrer sa virtuosité plutôt qu'écouter l'émotion du personnage. Ce soir, il m'a semblé simplement entendre Lucia, dans toutes les nuances de sa folie et de son amour, et j'ai trouvé cela magnifique.
L'orchestre est encore un élément que j'analyse mal au-delà d'une impression personnelle et je serai bien en peine de vous donner davantage de détails au-delà de ceux-ci : il m'a semblé, surtout au premier acte - moins par la suite - que l'orchestre jouait parfois un peu trop fort, noyant les voix graves et qu'il manquait d'élan romantique par moments. Il y a également eu des coupes dans la partition, notamment le fameux orage que j'attendais avec impatience, ce qui, forcément, m'a quelque peu déçue.
Quand à la mise en scène d'Andrei Șerban elle ne m'avait déjà pas convaincue la première fois que je l'avais vue en 2016, il y avait peu de chances qu'elle me convainque cette fois-ci. Toutefois, les bruits parasites qui m'avaient tellement gênés dans les parties orchestrales ont été gommés - notamment les bruits de métal des exercices militaires - et j'ai davantage apprécié le visuels des grandes lignes créées par les passerelles mobiles.
Mais cela ne va pas plus loin : de façon globale dans cette mise en scène, tout le sens est surligné à outrance. Le destin de Lucia n'est-il pas déjà, en lui-même, assez cruel pour indigner le spectateur ? Quel besoin de rajouter, autour d'elle, violences supplémentaires systématiques, de mettre en scène les viols ? Comme si le spectateur, idiot, ne pouvait concevoir tout ce que ce mariage forcé implique - et la critique déjà contenue dans l'oeuvre - sans qu'on les lui montre. Entendez-moi, cela ne me choque absolument pas, je trouve simplement le procédé grossièrement redondant.
L'espace scénique en demi-cercle et les habits fin XIXe siècle du choeur rappellent l'amphithéâtre de Charcot et une époque où la folie s'exhibait. Mais le sens apporté par cette mise en scène - voyeurisme se mêlant à la curiosité scientifique - ne cadre pas, selon moi avec l'oeuvre : tout dans les paroles du choeur lorsque Lucia a perdu la raison évoque l'horreur pure, et la pitié. Rien à voir avec ceux auxquels il est fait allusion sur le plateau.
Cette mise scène, qui date du milieu des années 90, a peut être fait son temps. Peut-être faisait-elle davantage sens à l'époque, et semble-t-elle redondante aujourd'hui, qui sait ? Toujours est-il qu'elle m'a encore moins convaincue que la première fois que je l'avais vue. Et pour couronner le tout, les positions d'équilibre en hauteur demandées aux chanteurs, les étroits bancs et passerelles sur lesquels ils évoluent en permanence laissent craindre pour leur sécurité, chose que j'apprécie assez peu : si je suis inquiète pour la personne, j'oublie le personnage.
Au final, je dis un grand oui pour les interprètes, mais un non pour cette mise en scène qui - selon moi - ne sert ni ne renouvelle l'oeuvre.
La note tout à fait subjective et qui n'engage que moi 3/5
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