Au Musée Jacquemart-André jusqu'au 20 janvier 2014
 

Il est des paradoxes fort intéressants : comment une époque victorienne à la morale et aux codes vestimentaires aussi stricts a-t-elle pu voir l’éclosion d’une peinture où l’on représente des femmes si sensuelles ou si ambiguës ? Et il ne s’agit pas d’une peinture faite par d'obscurs avant-gardistes, en marge de la société, mais bien de peintres au succès reconnu, exposant dans les salons officiels.

L’occasion, pour l’essentiel, de se replonger dans le mouvement préraphaélite, qui prend pour modèle les peintres de la renaissance prédécesseurs de Raphaël. De nombreuses oeuvres sont ici présentées, en suivant des thématiques telles que Beautés classiques, Héroïnes amoureuses ou encore Femmes fatales. A ce parcours évoquant une représentation féminine décorsetée, voire dénudée, s'ajoutent des éléments biographiques sur les principaux artistes exposés : on y retrouvera l'inévitable Edward C. Burne Jones et John William Waterhouse mais également Lord Leighton, Sir Laurence Alma Tadema et Talbot Hugues. Entre autres. Si j'ai beaucoup aimé cette exposition, c'est pour sa qualité pédagogique autant que pour les oeuvres proposées. Il faut dire que les représentations de personnages féminins ambigus comme les sorcières, les héroïnes tragiques ou les enchanteresses ne sont pas pour me déplaire.

Je ne résiste donc pas à l'envie de vous proposer, en images, les oeuvres qui m'ont le plus surprise. Tout d'abord l'Antigone de Lord Leighton, car, bien qu'elle me semble renvoyer à des canons classiques, son regard filant en dehors de l'image crée du hors-champ : on se prend à imaginer ce qui se passe en dehors des limites du cadre. Pour ma part, il me semble que ce tableau la montre au moment où, surprise en train de recouvrir le corps de son frère, elle comprend qu'elle ne peut plus revenir en arrière et qu'il lui faudra accomplir son destin.

Antigone, de Lord Leighton

Antigone, de Lord Leighton

L'Elaine de John Strudwick me plaît, quant à elle, pour le contraste entre la tristesse du personnage central, qui semble plongé dans ses pensées, et la finesse des détails qui l'entourent. L'ensemble m'a d'ailleurs davantage évoqué une illustration qu'une peinture, à cause, sans doute, du détourage sombre des détails qui n'est pas sans rappeler certaines techniques employées dans la bande dessinée.

Elaine, de John Strudwick

Elaine, de John Strudwick

Enfin, la toile la plus spectaculaire de l'exposition est sans aucun doute Les Roses d'Héliogabale de Sir Laurence Alma Tadema. Par ses dimensions, tout d'abord, puisque l'oeuvre fait plus de deux mètres de long, mais surtout par ces centaines de pétales de roses qui semblent chacune dotée d'une existence propre et évoluent gracieusement. Un contraste d'autant plus saisissant que la scène est dramatique : sous le regard narquois du jeune empereur au fond du tableau, les convives vont périr étouffés sous l'amas de fleurs.

Les Roses d'Héliogabale, Sir Laurence Alma Tadema

Les Roses d'Héliogabale, Sir Laurence Alma Tadema

Une exposition dédiée à la célébration de la beauté : féminine d'une part, mais également celle de la représentation artistique, comme en témoignent la richesse des décors, des habits et des paysages. De très belles oeuvres jalonnent un parcours qui sait accompagner le visiteur néophyte à la découverte d'une collection tantôt spectaculaire, tantôt intime. Une exposition très réussie, incontestablement l'une des meilleures que j'ai vues cette année.

La note tout à fait subjective et qui n'engage que moi : 5/5

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