De Giuseppe Verdi

A l'Opéra Bastille

Du 11 avril au 30 mai 2016

Direction musicale : Nicola Luisotti

Mise en scène : Claus Guth

 

Distribution

Le duc de Mantoue : Michael Fabiano

Rigoletto : Quinn Kelsey

Gilda : Olga Peretyatko

Sparafucile : Rafal Siwek

Maddalena : Vesselina Kasarova

Giovanna : Isabelle Druet

Le comte de Monterone : Mikhail Kolelishvili

Marullo : Michal Partyka

Matteo Borsa : Christophe Berry

Le comte de Ceprano : Tiago Matos

La comtesse de Ceprano : Andreea Soare

Le page de la Duchesse : Adriana Gonzalez

Huissier de la cour : Florent Mbia

Double de Rigoletto : Pascal Lifschutz

Danseurs et danseuses

Choeur et orchestre de l'Opéra National de Paris

 

Pour ce soir de première, j'avais rendez-vous avec Rigoletto, de Giuseppe Verdi. Mon compositeur favori, donc, dans un oeuvre qui à vrai dire ne m'a jamais particulièrement convaincue. Ce qui m'a toujours dérangé, c'est le personnage de Gilda, qui m'apparaît incompréhensible, davantage encore de mon point de vue de femme du 21e siècle : qu'elle pardonne à un homme qui l'a trompée, soit, mais qu'elle se sacrifie pour lui sauver la vie m'a toujours semblé hautement improbable, voire idiot, même dans le contexte d'un opéra, pourtant propice à quantité d'artifices. Mais disons que je n'ai jamais pu comprendre son geste, d'autant que l'objet de son affection - un coureur de jupon invétéré et cynique - ignorera tout de ce sacrifice et n'en éprouvera par conséquent aucun remords.

Mon peu de goût pour Rigoletto est d'autant plus inattendu que cette oeuvre est tirée d'une pièce de théâtre de Victor Hugo, un de mes auteurs favoris - avec Shakespeare -  et qu'on ne peut pas décemment avancer que je sois insensible au romantisme. Mais vous connaissez mon entêtement : tant que je n'avais pas vu cette oeuvre sur scène, ma vision me semblait fondée sur des a priori et il fallait par conséquent que j'en aie le coeur net.

C'est sur un bouffon clochardisé que s'ouvre le rideau : double de Rigoletto, il porte sur l'avant-scène un carton dont il extrait le costume de son ancien office ainsi qu'une robe blanche maculée de sang - celle de Gilda - annonçant le drame à venir, ou plutôt le drame passé, qui va se rejouer sous nos yeux comme dans sa mémoire.

Le décor se dévoile alors : c'est sur le plateau transformé en gigantesque carton que vont évoluer les personnages dont les costumes mélangent sans état d'âme la Renaissance et l'époque moderne. Le spectateur fait alors connaissance avec le Duc de Mantoue homme de pouvoir qui admet volontiers prendre et jeter les femmes comme elles passent. Pour autant que j'aie pu en juger, le ténor Michael Fabiano m'est apparu convaincant, sans pour autant avoir été entièrement séduite, les limites de mon appréciation en la matière m'empêchant encore parfois d'avancer des arguments techniques ou musicaux, sur ce qui relève largement d'une impression globale. Quinn Kelsey en Rigoletto, quant à lui,  impressionne d'emblée, avec une voix semblant remplir la salle presque sans effort. Toute en fragilité, c'est la délicatesse de la Gilda incarnée par Olga Peretyatko qui complète ce trio de voix qui vont nous emmener à leur suite tout au long de ce drame.

Le reste de la distribution m'a semblé au diapason, chacun donnant vie à son personnage sans chercher à tirer la couverture à soi, conférant à ce plateau une belle homogénéité. Coup de chapeau toutefois au choeur qui, comme à son habitude - je ne me lasse pas de le signaler - est toujours impeccable, animant toutes ses interventions de nuances et d'intentions qui en font un personnage à part entière.

Côté mise en scène, certains épisodes trouvent une réelle dynamique comme par exemple le récit de l'enlèvement de Gilda au Duc. D'autres, en revanche, achèvent de perdre leurs personnages dans ce décor si épuré. Même les projections qui s'animent sur les murs ne réussissent souvent pas à insuffler à ces scènes l'émotion supplémentaire qui viendrait soutenir la qualité des voix. Si l'ensemble est relativement lisible, on sent qu'il y a eu beaucoup d'efforts dans la recherche du "minimal" et le travail semble s'être arrêté à mi-chemin, si bien que les rares éléments présents finissent paradoxalement par devenir de trop. En effet, le plus souvent, la simple présence des chanteurs dans le décor vide, et leurs ombres qui se découpent sur les murs suffisent à habiter la scène. A contrario, les tentatives de remplir l'espace en matérialisant les pensées des personnages au moyen de doublures, n'ajoutent finalement aucune plus-value à ce que la combinaison du texte, de la musique et de l'émotion des interprètes parvenait déjà à nous faire ressentir.

En somme, si la mise en scène respecte l'oeuvre, la vision qu'elle en donne semble avoir demandé beaucoup d'efforts pour finalement peu de résultat. A minima, tout au moins peut-on se féliciter du fait quelle ne nuise pas à l'émotion déployée par les interprètes, comme cela arrive malheureusement.

N'y voyez rien de personnel contre cette nouvelle production, mais je dois reconnaître que cette oeuvre ne comptera décidément pas parmi mes préférées. Malgré d'incontestables morceaux de bravoure vocale, quelques tubes incontournables et des interprètes qui ont donné le meilleur d'eux-mêmes, il semblerait qu'entre Rigoletto et moi-même demeure une certaine incompatibilité émotionnelle. Peut-être cela changera-t-il avec les années ? 

La note tout à fait subjective et qui n'engage que moi : 3,5/5

Retour à l'accueil