Avis livre : Pourquoi être heureux quand on peut être normal ?
De Jeannette Winterson
aux éditions de l'Olivier
Étrange question, à laquelle Jeanette Winterson répond en menant une existence en forme de combat. Dès l'enfance, il faut lutter : contre une mère adoptive sévère, qui s'aime peu et ne sait pas aimer. Contre les diktats religieux ou sociaux. Et pour trouver sa voie.
Ce livre est une autobiographie guidée par la fantaisie et la férocité, mais c'est surtout l'histoire d'une quête, celle du bonheur. «La vie est faite de couches, elle est fluide, mouvante, fragmentaire», dit Jeanette Winterson. Pour cette petite fille surdouée issue du prolétariat de Manchester, l'écriture est d'abord ce qui sauve. En racontant son histoire, Jeanette Winterson adresse un signe fraternel à toutes celles - et à tous ceux - pour qui la liberté est à conquérir.
Un livre auquel mon avis mitigé ne rendra sans doute pas justice. En effet, il fera partie de ces ouvrages peu nombreux mais fort troublants dont je suis capable d'apprécier la qualité de façon intellectuelle, sans pour autant l'aimer vraiment en tant que lectrice.
En effet, si l'auteur raconte son enfance malheureuse, ses luttes, ses blessures, elle ne tombe jamais dans le pathos en réaffirmant sans cesse que tout cela fait partie d'elle même et que chaque épreuve l'a faite grandir et avancer. Faisant preuve d'un recul impressionnant, elle analyse chaque ressenti, chaque épreuve avec la finesse de ceux qui ont la capacité d'exorciser leurs blessures par les mots plutôt que par la violence. Face à une mère adoptive ultra-religieuse qui ne sait pas aimer, ne sachant s'aimer elle-même, la petite Jeanette se réfugie dans les livres et c'est animée par une rage de s'en sortir incroyable qu'elle décroche contre toute attente une place à la prestigieuse université d'Oxford Un auteur impressionnant de lucidité sur elle-même, qui écrit sa propre histoire comme s'il s'agissait d'une fiction, vision des choses qui l'a si souvent empêché de sombrer.
Je pourrais aussi bien dire que je suis passée à côté de cet ouvrage, mais ce n'est pas vraiment mon impression. En définitive, j'ai tout simplement trouvé peu de plaisir à sa lecture et l'ai donc condamné à une appréciation purement intellectuelle, qui ne constitue selon moi que la moitié d'un avis. Cet état de fait est d'autant plus troublant que si je l'avais platement trouvé mauvais, j'aurais au moins été cohérente. Or, ce livre m'a fait l'impression, si vous me permettez la comparaison cinématographique, de certains films de Terrence Mallick, remarquablement bien faits, fins et pleins de poésie, et qui pourtant m'ennuient à mourir. Au-delà de l'admiration pour cet auteur qui sait si bien se raconter et qui a su se (re)construire seule, je n'ai rien ressenti, et c'est bien là que réside tout mon problème d'appréciation de cet ouvrage.
La note tout à fait subjective et qui n'engage que moi : 3/5
Comme du temps de la guerre, elle avait un placard qui servait de réserve. Toutes les semaines, elle y déposait une nouvelle conserve - certaines étaient là depuis 1947 - et je crois que quand la dernière bataille commencerait, le plan était de se réfugier sous les escaliers et de nous nourrir de ces conserves, entourés de tubes de cirage. Mes succès précédents avec l'ouverture des boîtes de corned-beef m'ont rassurée. Nous allions piocher dans nos vivres en attendant Jésus.
Je me demandais si nous allions être personnellement libérés par Jésus, mais Mrs Winterson ne le croyait pas. "Il enverra un ange".
Il en irait donc ainsi - un ange sous les escaliers.
Je me demandais comment il pourrait entrer dans le cagibi avec ses ailes, mais Mrs Winterson a précisé que l'ange ne nous rejoindrait pas sous l'escalier - il ouvrirait seulement la porte et nous dirait qu'il était temps de partir. Que notre demeure céleste nous attendait.
Ces interprétations élaborées d'un avenir post-apocalyptique lui occupaient l'esprit. Parfois elle semblait heureuse, et jouait du piano, mais le malheur n'était jamais loin, une nouvelle pensée venait assombrir sa vision et elle s'arrêtait brusquement de jouer, fermait le couvercle, et faisait les cent pas, allait et venait dans l'allée derrière la maison sous les fils où séchait le linge, tournait en rond comme si elle avait perdu quelque chose.