Avis livre : L'Embellie
D'Audur Ava Ólafsdóttir
aux éditions Zulma
C'est la belle histoire d'une femme libre et d'un enfant prêté, le temps d'une équipée hivernale autour de l'Islande.
En ce ténébreux mois de novembre, la narratrice voit son mari la quitter sans préavis et sa meilleure amie lui confier son fils de quatre ans. Qu'à cela ne tienne, elle partira pour un tour de son île noire, seule avec Tumi, étrange petit bonhomme, presque sourd, avec de grosses loupes en guise de lunettes.
Après Rosa Candida l'an dernier, me voici en présence d'un deuxième ouvrage de l'auteur islandais Audur Ava Ólafsdóttir. Dans le fond, ils sont assez semblables : par leur style, par cette impression de poésie, de lenteur et d'être témoin de la vie qui passe, mais surtout par de nombreux thèmes récurrents : le voyage, la paternité/maternité, semblent revenir comme autant de leitmotivs. De même, la nourriture et la cuisine tiennent également une place prépondérante dans ce récit comme dans son précédent roman.
Malgré la narration à la première personne, qui devrait nous entraîner dans une vision plus intériorisée, j'ai plutôt eu l'impression, a la lecture, de regarder les personnages vivre de l'extérieur. C'est assez curieux, bien que pas vraiment déplaisant pour autant. On parcourt ce livre comme on suivrait un film d'auteur, contemplatif, baigné par les rudes paysages de l'Islande. On s'attache aux personnages sans pour autant ressentir d'empathie profonde, on est juste spectateur d'une sorte de parenthèse dans la vie de la narratrice. Est-ce une fuite en avant pour oublier ? ou simplement un besoin de profiter de sa liberté regagnée ?
Un détail amusant attend le lecteur à la fin de l'ouvrage : les recettes mentionnées dans cette aventure, de l'oie sauvage farcie aux kleinur (beignets torsadés) en passant par quelques plats dont vous aurez probablement du mal à trouver les ingrédients, comme le blanc de baleine aigre ou le bruant des neiges grillé à la mode des hauts plateaux. Et si vous ne savez pas faire de café imbuvable, vous aurez aussi tout le loisir d'expérimenter la recette de la narratrice !
Finalement, j'en arrive à la même conclusion que pour Rosa Candida : un roman tout sauf banal, avec une saveur particulière dans son rythme, dans sa façon de raconter ce road movie islandais, sans pour autant faire jaillir l'étincelle qui le rendrait véritablement inoubliable.
La note tout à fait subjective et qui n'engage que moi : 4/5
Je ramasse le volatile encore tiède que je viens d'écraser, constatant qu'il s'agit d'un mâle, et comme par ironie du destin je viens de lire et corriger un article sur la vie sentimentale de l'oie et sur la fidélité absolue qu'elle voue à son conjoint sa vie durant, je cherche des yeux la compagne survivante dans la troupe de volailles. Les toutes dernières sont encore à traverser la rue glissante, caquetant avant d'atteindre l'autre trottoir, étalant sur l'asphalte leurs grosses pales orangées. A ce que je vois, aucune n'est sortie du rang en quête de son compagnon; entre l'oiseau que je tiens et les membres du troupeau, aucun air de couple ne s'impose à moi.