À la fondation Jérôme Seydoux-Pathé

Du 12 décembre 2024 au 29 mars 2025

 

C'est à l'occasion de l'exposition sur les relations entre le cinéma et la Comédie-Française que j'ai découvert pour la première fois la Fondation Jérôme Seydoux-Pathé. Je m'étais promise d'y retourner, notamment pour leurs cycles de programmation cinématographique, mais vous le savez, il y a toujours plus de choses à voir et à faire que de temps à leur consacrer réellement. Aussi, lorsque l'opportunité s'est présentée d'y visiter la nouvelle exposition, je n'ai pas pu dire non ! Intitulée Antiquité et cinéma, elle propose au visiteur de se pencher sur un genre emblématique du 7e art : le péplum. 

Ce terme vient, en français, du nom latin donné à une tunique de laine portée par les femmes grecques. Lorsque Hollywood évoque ces films inspirés de l'Antiquité historique, mythologique ou biblique c'est avec l'expression plus imagée de "sword-and-sandal movie" -  film d'épées et de sandales :  Ben-Hur, Antoine et Cléopâtre, les Dix Commandements, Gladiator et tant d'autres.

Ce n'est pas un hasard, si c'est l'un des très spectaculaires chars de Ben-Hur - et une affiche d'au moins 5 mètres - qui accueille le visiteur à l'entrée de l'exposition, les années 50 et 60 étant considérées comme l'âge d'or du péplum. Un char - nous précise la commissaire d'exposition - qu'ils ont eu le plus grand mal à faire passer par la porte ! 

Il est vrai que l'Antiquité a inspiré de nombreux scénaristes et cinéastes : quel meilleur prétexte pour créer des images spectaculaires, dans des décors grandioses, avec des costumes somptueux ? Plus encore, ces représentations cinématographiques ont largement modelé la façon dont le grand public imagine l'époque antique : on pourrait presque affirmer l'existence d'une Antiquité cinématographique vivant sa vie indépendamment de l'état des recherches historiques.

D'ailleurs à ce propos, avez-vous entendu parler de l'effet Tiffany ? On évoque ce terme pour parler d'un élément historiquement avéré, placé dans un roman ou un film, mais qui paraîtrait trop moderne. Le prénom Tiffany en est l'exemple : il était a priori assez courant au 17e siècle, mais pour un public anglophone d'aujourd'hui, il est surtout associé aux années 80, et il lui apparaîtrait inexact d'en prénommer un personnage de l'époque de Shakespeare, par exemple.

Bien sûr, l'Antiquité ce n'est pas la seule période concernée par ce phénomène - je pense notamment au Moyen-âge, ou plus récemment au déferlement de productions autour des Vikings - mais il me semble que parce que l'Antiquité a été une source d'inspiration très tôt dans l'histoire du cinéma, l'imaginaire que l'ensemble de ces images a généré est encore plus fortement ancré. En résumé, l'Antiquité est une période que, mis à part les spécialistes, nous fantasmons tous - au moins un peu. 

Et puisque j'ai évoqué le terme fantasmé - ce n'est pas un hasard - revenons-en à nos hommes en jupette, qui s'affichent leur corps musclé et huilé. L'exposition montre également que l'histoire du péplum va de pair avec le développement d'un culte du corps : nombre des comédiens incarnant les héros antiques à la naissance du genre sont des bodybuilders, qui affichent fièrement leurs muscles et leurs mensurations dans les magazines. Sur l'image ci-dessus, Steeve Reeves, culturiste et comédien incarnant Hercule, 1m85 de haut pour 46cm de biceps. 

Montrer les corps est également prétexte à les érotiser, une ambigüité sur laquelle les cinéastes ont bien entendu joué. Une époque révolue, avant la christianisation - ou aux débuts de - est un alibi parfait pour s'affranchir des codes moraux de son époque... à condition de contourner la censure, qui veille au grain : aux Etats-Unis, le code Hays, en vigueur de 1934 à 1966 codifie strictement les scènes d'amour, et impose une moralisation des histoires. Le corps de certains personnages féminins se dévoile plus librement par exemple, mais surtout celui des tentatrices ou des femmes fatales. Quant aux corps masculins, ils s'exposent, certes, mais attention à ne pas verser dans l'homoérotisme !  L'exposition montre par exemple une lettre portant sur les tractations entre la censure et le réalisateur concernant une scène considérée comme trop ambiguë.  

 

 

L'autre grand pays évoqué dans cette exposition, c'est bien sûr l'Italie, un pays encore jeune à l'époque -l'unification italienne date de la seconde moitié du 19e siècle - qui va très rapidement utiliser le cinéma, à la puissance évocatrice sans pareille, pour s'approprier ou réécrire leur propre histoire. Dès 1910, des héros comme Maciste, ou encore les mythes de la fondation de Rome et les grands personnages de l'empire romain envahissent les écrans. 

Sans être spécialiste de la question, il y a quelque chose qui m'a semblé assez marqué dans les images des films italiens proposées dans l'exposition par rapport avec les images issues des films américains : Le côté très expressif et dramatique, l'éclairage surtout, m'a rappelé des mises en scènes d'opéra, cet autre art cher au cœur des Italiens (et au mien). Hasard ? Choix esthétique délibéré des commissaires d'exposition ou différence plus largement généralisable ? Je ne saurais vous dire. 

La fin de l'exposition s'intéresse aux péplums plus récents, sortis dans le sillage de Gladiator dans les années 2000. On y retrouve par exemple des objets du film Troy, comme ce bouclier conçu spécialement pour que l'on puisse voir à l'écran des lances s'y enfoncer. Sont également présentés des dessins préparatoires aux costumes, avec des échantillons de tissu. Un type de dessins qui exerce sur moi une fascination extrême : il y a quelque chose d'un peu magique à voir un personnage se créer. 

Et parlant de costumes, vous trouverez également dans l'exposition une belle collection de costumes utilisés sur Astérix et l'Empire du milieu, faisant partie du fonds propre Pathé. 

Une exposition intéressante, avec une grande variété d'éléments présentés : images et extraits de films, documents d'époque, costumes, accessoires, photos de tournage, affiches. Elle sera également accompagnée, à partir du 26 février et jusqu'au 8 avril 2025, d'une rétrospective Cinéma muet et Antiquité qui se tiendra à la Fondation Pathé en lien avec l’exposition (plus d'informations par ici) .

L'exposition Antiquité et cinéma retrace l'histoire d'un genre populaire, fondamentalement spectaculaire, alimentant tous les fantasmes, un genre à part qui a donné des films épiques aussi bien que de grandioses navets. Elle s'attarde sur toutes ces composantes, les reliant avec l'histoire des principaux pays qui en ont été producteurs - les Etats-Unis et l'Italie - et faisant le point sur le fabuleux imaginaire collectif que le péplum a généré, film après film. 

 

La note tout à fait subjective et qui n'engage que moi  3,5/5

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