Avis ciné : Louise Violet
Un film d'Éric Besnard
Au cinéma le 6 novembre
1889. Envoyée dans un village de la campagne française, l’institutrice Louise Violet doit y imposer l’école de la République (gratuite, obligatoire et laïque). Une mission qui ne la rend populaire ni auprès des enfants… ni auprès des parents.
En découvrant la bande-annonce de Louise Violet, j'ai immédiatement repensé à L'orange de Noël de Michel Peyramaure, ouvrage lu il y a tellement longtemps que sa chronique n'apparaît même plus sur ce blog. En découvrant ce livre, à l'époque, j'avais été profondément surprise : jamais je n'aurais pensé que l'école publique, gratuite, laïque et obligatoire de Jules Ferry eut pu rencontrer autant de résistance !
Certes, je comprenais - intellectuellement - comment sa dimension laïque pouvait inquiéter certains croyants, puisque le roman se situe en 1913 soit moins de dix ans après la séparation de l'église et de l'Etat, mais je pensais - naïvement, sans doute - que personne n'aurait fait de résistance à un meilleur accès à l'éducation. Et encore moins ceux qui, premiers concernés, n'y avaient auparavant pas accès.
Dans Louise Violet, la chronologie est un peu différente : nous sommes en 1889, et si les lois de Jules Ferry ont été votées entre 1881 et 1882, elles ne sont pas encore appliquées partout. Dans certaines zones rurales, l'école de la République n'a pas encore d'existence concrète.
La scène d'introduction, d'une rigidité glaçante, nous montre Louise. Visage fermé, elle écoute, sans ciller, un interlocuteur réduit à une simple voix. Celui-ci lui explique la clémence dont la République fait preuve à son égard en l'autorisant à exercer à nouveau son métier d'institutrice. Mais cette générosité - terme employé par la voix - ne s'exercera pas sans conditions. Louise devra d'abord prouver sa valeur et sa loyauté dans un poste qualifié d'extrême, loin de Paris. Une affectation qui résonne comme une sentence.
Louise n'est pas une jeune institutrice naïve et idéaliste : il y a en elle une gravité qui n'est pas que rigidité professionnelle, mais plutôt une fermeté destinée à forcer le respect des ses interlocuteurs. Car, on le sent, il y a quelque chose de brisé en elle. Louise ne vit plus que pour sa mission : l'éducation comme émancipation de l'individu, homme ou femme indistinctement.
Lorsqu'elle arrive dans le village, elle n'est pas la bienvenue : on lui assigne une grange - non meublée et encore occupée - qui devra faire office d'école et de logement. Car comme le lui dit le Maire, non seulement ils n'ont rien demandé, mais en plus il va falloir payer son salaire. Une dépense inutile pour la commune.
Car finalement l'école, semble une lubie de citadins, déconnectés de la réalité de la terre : pour quoi faire ? Nul besoin de savoir lire pour être paysan, étudier semble du temps perdu que l'on pourrait passer à travailler. Parce que du travail, il y en a, beaucoup, toute l'année, et les enfants en prennent leur part.
Peu à peu Louise va devoir gagner assez de confiance pour que les parents envoient leurs enfants à l'école. Comment ne pas se méfier de cette femme de la ville, sans mari, et qui ne comprend rien au monde rural ? D'autant que sa conviction que l'éducation donnera aux enfants la possibilité de choisir, s'ils le veulent, un avenir différent de celui que leur naissance a prédéterminé effraye certains parents : s'ils ont le choix, pourquoi resteraient-ils là ? Qu'adviendra-t-il des terres si tous vont à la ville pour des emplois plus qualifiés ?
Dans cette histoire complexe, Alexandra Lamy trouve en Louise Violet un rôle qui lui permet de jouer en creux, tout en non-dits . Difficile de ne pas citer également l'excellent Gregory Gadebois, en Maire du village. Il réussit à brosser le portrait d'un homme bourru, terre à terre, mais non dénué de sensibilité, de ces taiseux qui ressentent les choses plus profondément que ce que leur maladresse avec les mots pourrait laisser soupçonner.
Si, côté dialogues il m'a semblé y avoir quelques longueurs et artificialités dans la deuxième partie, j'ai trouvé intéressant le rapport au français. Le film réussit à insuffler une sorte de "parler" des paysans qui montre le contraste avec la prononciation très académique de l'institutrice, sans verser dans l'accent trop appuyé.
Un film qui montre des rapports de force politiques autant qu'humains, des conceptions de la liberté et du devoir différents, évoque, sans trop s'attarder, la condition féminine, mais surtout dessine deux France qui peinent à se comprendre. Difficile - contexte historique mis à part - de ne pas y voir une proximité avec certaines questions toujours d'actualité.
La note tout à fait subjective et qui n'engage que moi 4/5
Avec Alexandra Lamy, Grégory Gadebois, Jérôme Kircher, Jérémy Lopez de la Comédie-Française, Patrick Pineau, Annie Mercier |
ACHETER | ||
**Cet article contient des liens affiliés dirigeant vers des sites marchands : pour tout achat effectué en passant par un de ces liens, je touche une petite commission qui me permet de maintenir ce blog libre de publicité intempestive**