Avis livre : L'Art qui guérit
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De Pierre Lemarquis
Préface de Boris Cyrulnik
Et si l’art pouvait vraiment nous aider à vivre mieux et plus longtemps ?
« Un jour on saura peut-être qu’il n’y avait pas d’art, mais seulement de la médecine », écrit J.M.G. Le Clézio. Le rapport de l’OMS du 11 novembre 2019 confirme son intuition et affirme que l’art peut être bénéfique pour la santé, tant physique que mentale.
Si les philosophes ont les premiers pressenti l’impact du beau et de l’art sur le cours de notre existence, sur notre humeur, notre état d’esprit et notre santé, leurs thèses sont désormais confirmées par les neurosciences, qui nous révèlent comment notre cerveau et, par là, notre corps entrent en résonance avec la création artistique sous toutes ses formes.
A première vue, l'Art serait une denrée "non-essentielle". Sa caractéristique principale serait une valeur esthétique dénuée de toute fonction concrète. Pour certains, toute sa beauté résiderait même dans son inutilité apparente. Mais voilà. Imaginez un monde sans art, sans peinture, sans musique, sans théâtre, sans danse, sans architecture ni littérature. Qui voudrait vivre dans un monde pareil ? C'est donc peut-être bien, alors, que l'art est nécessaire. Si nécessaire d'ailleurs, qu'il est pratiqué dans toutes les cultures, sous une forme ou une autre.
Mais alors, quelle serait la fonction utilitaire de l'art ? C'est du côté du cerveau qu'il faut se tourner, du côté des émotions que l'art suscite, et de la façon dont ces émotions vont irriguer notre cerveau, voire le refaçonner. Pierre Lemarquis, auteur de cet ouvrage, est neurologue et en tant que tel, il a constaté les bénéfices de l'art sur de nombreux patients. Des personnes atteintes de troubles psychologiques, mais également, de manière peut-être plus inattendue, de pathologies physiques.
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L'ouvrage ne se veut bien évidemment - et ne se peut - exhaustif. Découpé en une vingtaine de chapitres, il énumère différentes "fonctions" de l'Art : "Exprimer sa souffrance pour la surmonter", "des images pour se reconstruire", " des oeuvres pour stimuler sa réflexion et sa mémoire" "comment l'art aide les enfants malades" ou encore "trouver son pays des Merveilles". Chaque partie est un exemple parmi d'autres de la façon dont une oeuvre - ou un artiste - a pu faire dialoguer santé et création.
On évoque par exemple la fonction cathartique de certaines peintures placées au sein des premiers hôpitaux, où les patients trouvaient dans la souffrance des saints qui y étaient représentés un écho a leur propre douleur, parfois encore de pistes pour les aider à recouvrer un certain équilibre intérieur propice à la guérison. Un peu plus loin, on s'intéressera à l'importance de la création dans la stabilisation de certains artistes atteints de troubles mentaux, ou ayant subi un traumatisme.
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Bien sûr, certains chapitres m'ont intéressé plus particulièrement. J'ai notamment découvert deux artistes dont j'ignorais entièrement l'existence, Aloïse Corbaz et Charlotte Salomon. Leurs créations m'ont instinctivement attiré, sans qu'à vrai dire je n'y comprenne rien de prime abord. Les explications jouxtant les images m'ont ensuite appris que les deux femmes, créant dans deux contextes très différents - l'une en institution psychiatrique, l'autre entre la peur du suicide et celle de la déportation - avaient puisé nombre de références dans l'opéra : ceci expliquant sans aucun doute cela !
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Seule petite frustration dans la lecture de cet ouvrage - mais je suis tatillonne sur ce genre de détails - j'ai trouvé par moments difficile de voir, en lisant le texte, à quel élément de l'image ce dernier se rapportait. Peut-être une simple histoire de mise en page, ou de cadrage final des images?
Le découpage en chapitres relativement courts pourra, quant à lui, plaire aux lecteurs qui aiment lire gravement - de bout en bout - autant qu'à ceux qui préfèreront les découvrir au gré de leur fantaisie : un fréquent système de renvois d'un chapitre à l'autre permet d'y naviguer aisément.
J'ai beaucoup aimé ce livre. D'abord parce que tout ce qui a trait à l'Art m'intéresse, ensuite parce que la diversité des artistes et des oeuvres abordés permet de voir de nombreuses situations et contextes différents. Enfin parce qu'en cette année 2020 si particulière, L'Art me manque. Alors forcément, lorsque cet ouvrage le dit essentiel, ça résonne d'une façon un peu plus forte.
La note tout à fait subjective et qui n'engage que moi 4/5
La simple vision d’un tableau peut-elle compenser nos faiblesses, nous nourrir et nous rééquilibrer comme une perfusion, nous apporter l’oxygène qui nous manquait? Ou tout simplement nous métamorphoser en modifiant nos connexions cérébrales, nos secrétions neurochimiques, et en élargissant notre vision du monde? Rappelons que le peintre anglais Adrian Hill (1895-1977), considéré comme «l’inventeur» de l’art thérapie, était tuberculeux.
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