Avis ciné : J'ai perdu mon corps

Un film de Jérémy Clapin
A Paris, Naoufel tombe amoureux de Gabrielle. Un peu plus loin dans la ville, une main coupée s’échappe d’un labo, bien décidée à retrouver son corps. S’engage alors une cavale vertigineuse à travers la ville, semée d’embûches et des souvenirs de sa vie jusqu’au terrible accident.
La première fois que j'ai lu le synopsis, j'ai dû m'y reprendre à deux fois : j'ai cru avoir mal compris. Il est vrai qu'il est bien rare de trouver une idée aussi étrange que "une main coupée s’échappe d’un labo, bien décidée à retrouver son corps" ! Et il est encore plus surprenant de voir ce sujet traité sous la forme d'un film d'animation, un genre souvent catalogué à tort - on ne le dira jamais assez - dans la catégorie film pour enfant... la preuve !
Il est ici clair, dès le début, que J'ai perdu mon corps ne s'adresse pas aux plus jeunes. Le premier plan montre une mouche près d'une mare de sang qui s'étend, puis le propriétaire du sang, un jeune homme avec des lunettes et un cocard. Que lui est-il donc arrivé ? C'est bien cette question qui sera tout l'objet du film.

La main coupée se réveille dans le frigo d'un laboratoire et part à la recherche du reste du corps. A mesure que l'on suit sa quête et les obstacles qu'elle rencontre, des flashes back nous en révèlent davantage sur les souvenirs qu'elle partage avec son propriétaire : la sensation du sable chaud dans la paume ou encore le mouvement des doigts le long des touches d'un piano, par exemple.
La quête de la main s'avère rapidement anxiogène - je ne sais pas vous, mais moi, voir une main coupée se déplacer, ça me met d'emblée mal à l'aise - d'autant que la musique, lancinante, accentue cette impression, ainsi que tous les dangers qu'elle rencontre sur sa route. Au fur et à mesure que l'histoire se complète, c'est surtout autre chose qui se dessine : la trajectoire accidentée, bancale, d'un jeune homme. La faute au hasard, à la malchance, au destin ?

Un puzzle qui ne trouvera ses dernières pièces qu'à la toute fin. Car après avoir compris la succession des événements, reste encore à les accepter. Ici, les rôles sont inversés : ce n'est pas la main qui manque au corps à la manière des "membres fantômes", mais bien le corps qui manque à la main. Un renversement de situation qui perdure jusqu'à la conclusion.
Difficile à classer, J'ai perdu mon corps s'avère un OVNI cinématographique, qui mérite d'être vu, ne serait-ce que pour la curiosité de la chose. Il n'est pas pour autant facile à regarder. L'angoisse de la main déteint sur le spectateur, créant souvent le malaise. A bien y regarder, c'est d'ailleurs sans doute la capacité du film à générer de l'empathie pour cette protagoniste insolite qui constitue ici son vrai tour de force.

Je ne reverrai probablement jamais J'ai perdu mon corps - trop éprouvant pour moi - mais je garderai ce film en haute estime, et suis à peu près sûre que je m'en souviendrai longtemps !
La note tout à fait subjective et qui n'engage que moi : 4/5
Avec les voix de Hakim Faris, Victoire Du Bois, Patrick d'Assumçao |