Avis expo : Raymond Depardon, photographe militaire
Au Musée du Service de Santé des Armées
Ecole du Val de Grâce - Paris
Du 1er octobre au 31 décembre 2019
Au Musée National de la Marine - Toulon
Du 17 mai 2019 au 30 janvier 2020
Je crois avoir toujours vu des ouvrages de Raymond Depardon à la maison. Dans la bibliothèque familiale, ils trônent en bonne place au milieu de ceux d'autres photographes, conservés précieusement par mon père. Alors, lorsque on m'a proposé de découvrir l'exposition que le musée du service de santé des Armées consacre aux photographies que Depardon a effectuées en 1962-63 pour le compte de l'armée, pendant son service militaire, j'ai bien entendu accepté avec un enthousiasme certain.
Le photographe est là, qui entreprend de nous faire visiter les lieux. Il nous révèle qu'il ne se souvenait pas d'une bonne partie de ces clichés : lorsqu'on lui assignait un sujet à traiter, il percevait une ou deux pellicules - noir et blanc, plus rarement une supplémentaire en couleur. Au retour de mission, il confiait les pellicules à développer. Certains clichés, soigneusement choisis, étaient publiés dans TAM, mais toutes les photographies n'étaient pas tirées et les négatifs étaient simplement versés aux collections audiovisuelles de l'armée.
C'est aujourd'hui l'ECPAD - Etablissement de Communication et de Production Audiovisuelle de la Défense - qui est gestionnaire du fonds. Les plus anciens documents de leur collection remontent à la guerre de 1914, date où les armées ont mis à profit la force du média visuel dans leur communication, et aujourd'hui encore, les clichés pris par les reporters des différents magazines de l'armée ou les photographes militaires y sont versés. Les commissaires ont donc plongé dans les archives pour en exhumer les négatif des oeuvres présentées ici.
Le photographe commente une à une les photos accrochées, évoque tour à tour les manœuvres, les enfants de troupes, les parachutistes. Au-delà du sujet militaire, ce qu'il aime, dans les photographies qu'il a choisies, insiste-t-il, c'est l'humain : les expressions, les regards, le contraste souvent, par exemple entre les manœuvres et la vie pastorale qui poursuit son cours autour. Comme cette famille debout sur le perron d'une ferme, qui observe les soldats, ou ce char noyé dans un flot de moutons.
Plus loin, Raymond Depardon s'arrête devant un cliché pris à la foire de Paris : on y voit une vendeuse faisant la démonstration d'un aspirateur à une visiteuse élégamment vêtue. Le photographe commente : "les aspirateurs n'ont pas beaucoup changé vous voyez, en revanche, ce sont les femmes qui ont changé, on ne porte plus un manteau de fourrure et des talons hauts pour visiter un salon".
Devant un autre, montrant deux personnages en contre-jour, il hésite : "je ne me souviens pas de celle-là, mais j'ai dû la mettre en scène... j'ai l'impression que j'ai dû volontairement diaphragmer pour donner cet effet, ça aurait pu être possible avec un appareil automatique, mais avec un manuel, il y a peu de chances..." Il nous invite à observer avec plus d'attention la photographie : "surtout qu'ils ne s'éloignent pas, vous voyez, ils viennent vers l'appareil... non, je pense que celle-ci c'est une mise en scène".
L'exposition se poursuit avec quelques clichés en couleur, et se clôture avec une vidéo, l'un des premiers essais effectués par le photographe qui, à l'époque, se rêvait vidéaste.
Bien que j'aie visité cette exposition dans un contexte privilégié - et quel plaisir d'entendre le photographe parler de son travail ! - elle sera tout aussi belle appréciée dans le calme et la sobriété princière du cloître. Les clichés simplement détourés de noir parleront d'eux-mêmes au visiteur avec une sélection qui réussit à mettre en lumière à la fois l'époque charnière des années 60 pour l'armée française et le goût incontestable de Raymond Depardon pour l'humain.
La note tout à fait subjective et qui n'engage que moi : 4/5
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