Comment concevoir, ex-nihilo, un musée ? Lorsqu'on parle de parfum, qu'exposer mis à part les flacons? Comment parler du parfum lui-même au public d'aujourd'hui ? D'ordinaire, ce sont les grandes maisons elles-mêmes qui créent ce genre de musée, en s'appuyant aussi bien sur l'histoire de leur marque, que sur leur savoir-faire et leur patrimoine industriel ou intellectuel. Ici, pour parler du parfum lui-même, les créateurs ont fait le choix du design, pour un musée qui se visite davantage à la manière d'une oeuvre d'art contemporain interactive que d'un musée plus traditionnel.

Rendez-vous est pris dans la très chic avenue Saint-Honoré, à Paris, où le musée à été conçu dans un ancien hôtel particulier. La visite commence au sous-sol avec un petit historique du parfum, depuis les premières fragrances connues, en Egypte antique, jusqu'à ses usages hygiéniques, en passant par les vertus médicinales qui lui ont longtemps été attribuées. L'occasion d'exposer quelques objets entourant son utilisation comme ces petits flacons portés au bout dune chaînette ou encore des représentations de médecins pendant les épidémies de peste. Enfin, l'invention de la parfumerie moderne est matérialisée par les meubles d'une parfumerie second Empire, prêtés par le Musée Canavalet et quelques flacons emblématiques du 20e siècle.

Mais le parfum est surtout intimement lié à la séduction. Le musée évoque alors des personnages qui ont fait du parfum une arme de conquête redoutable, de Cléopâtre à Louise Brooks, en passant par l'impératrice Eugénie, Louis XIV, ou encore Casanova. 

Au premier étage, le visiteur accède à un laboratoire chic, où l'on interroge ce qui compose une odeur. On y isole certaines senteurs de la rose par exemple, ainsi que d'autres, plus insolites, comme les phéromones (a priori que seuls 30% des personnes sont capables de sentir).

C'est également l'occasion de constater à quel point la mémoire olfactive est intimement personnelle, tant chaque odeur réveille des souvenirs ou s'associe immédiatement à d'autres pensées. Sont également diffusées d'autres odeurs, interdites ou ambiguës dont je ne vous préciserai pas la teneur afin de laisser place à la surprise...  

Un peu plus loin, un chemin de cloches géantes, ludique et immersif, permet de se promener au milieu des parfums. Le visiteur est invité à déambuler, sentir, deviner, et à vérifier ensuite s'il a bien identifié l'odeur en question. Cela donne l'impression d'un jardin de senteurs à la fois graphique et poétique, où les fleurs se pencheraient pour vous offrir leur parfum. Aussi surprenant pour les yeux que pour le nez ! 

Au dernier étage, le musée s'intéresse aux molécules et matières premières qui composent le parfum, qu'elles soient naturelles ou de synthèse. Ce sont pas moins de 25 qui nous sont ainsi présentées sous la force de boules métalliques que le visiteur est invité à saisir, pour les sentir, avant de les porter à son oreille pour écouter son histoire et découvrir ses particularités.

Puis, un boudoir s'intéresse aux hommes et aux femmes qui font le parfum : nez, créateurs, directeurs de grandes maisons, des témoignages vidéos que l'on lance en appuyant sur un vaporisateur et que l'on regarde dans le miroir, assis à sa coiffeuse. 

Enfin, le musée présente une oeuvre artistique inspirée de l'orgue à parfums. Ce terme, qui désigne à l'origine le meuble dans lequel le parfumeur range ses flacons de matière première. D'ailleurs, ne parle-t-on pas de "note" - fruitée, boisée, florale ? Cet orgue à parfums devient ici un véritable instrument de musique : chaque rai de lumière traverse un des nombreux prismes représentant les ingrédients de base, associé à une note de musique à une longueur - représentant la durée de chaque essence - pour finir sa course dans le flacon central - le parfum achevé. Chaque séquence musicale reflète donc une véritable composition olfactive. Une installation en son et lumière aussi intrigante qu'hypnotique.

On est loin de l'image traditionnelle du musée, centrée sur des objets exposés et sur la transmission de savoirs. La visite est ici résolument interactive, centrée sur le parfum lui-même, et le musée affiche sa volonté, à la manière de l'art contemporain avec lesquels les liens sont évidents, de faire, avant tout, vivre une expérience au visiteur.  

La note tout à fait subjective et qui n'engage que moi : 4/5 

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