D'Elie Wajeman

disponible en DVD 

 

Paris 1899. Le brigadier Jean Albertini, pauvre et orphelin, est choisi pour infiltrer un groupe d’anarchistes. Pour lui, c’est l’occasion de monter en grade. Mais, obligé de composer sans relâche, Jean est de plus en plus divisé. D’un côté, il livre les rapports de police à Gaspard, son supérieur, de l’autre, il développe pour le groupe des sentiments de plus en plus profonds.

 

Ce qui m'a attiré tout d'abord dans ce film, c'est la référence historique - bien que non inspirée de faits réels - à cette époque : celle de la révolution industrielle, de l'avènement du capitaliste et de la montée de l'anarchisme, en pleine Belle époque. Car, derrière les belles demeures, l'élégance des toilettes, l'avènement de l'art nouveau et l'extravagance des cocottes, il y a aussi la misère ouvrière, les travail des enfants et le vacarme abrutissant des machines, la révolte de ceux qui, la rage au ventre, refusent cette société qui les broie.

Malgré un ancrage historique très précis - 1899 - il est étonnant de constater à quel point la révolte de ces hommes et de ces femmes est moderne, et parle encore au spectateur actuel. La liberté qu'ils revendiquent, celle d'être maîtres d'eux-mêmes et responsables de leurs actions, ce refus de vivre selon les règles d'une société qui les condamne à demeurer prisonniers de leur condition de moins que rien, cet effort d'éducation, cet amour de la littérature et de la poésie révolutionnaire a quelque chose de beau et de tragique à la fois. Pris entre leurs propres contradictions internes et la pression que la société extrêmement rigide de cette fin de 19e siècle fait peser sur ceux qu'elle considère, à juste titre, comme un danger à l'ordre public, le mouvement se durcit et ses actions se font plus spectaculaires et plus violentes. Aucun des deux camps ne peut désormais reculer sans perdre la face et l'issue, dès lors, devient inéluctablement fatale.

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Les acteurs donnent vie avec beaucoup de justesse, d'impertinence, et de tendresse à ces jeunes gens en quête d'idéal, avec leurs contradictions, leurs blessures, leur aveuglement parfois. Ils donnent à voir la fierté qu'ils éprouvent à se battre pour une cause qu'ils jugent noble. C'est elle qui les porte, en les remplissant d'une sensation d'héroïsme, sans doute parce qu'il la pressentent perdue d'avance. Ils incarnent cette fuite en avant et cette solidarité sans faille, qui amènent parfois ces jeunes idéalistes à faire sciemment les mauvaix choix. Mais qu'ils sont beaux dans leur volonté farouche de vivre libres !

S'il est légitime que la société réprouve leurs actions, il est intéressant de voir comment cette rage naît, comment elle s'enracine en eux jusqu'à les rendre pires que ceux contre lesquels ils prétendent lutter. Cette liberté absolue à laquelle ils aspirent ne peut donc être qu'utopique, car elle s'oppose à l'idée même de société structurée : elle s'avère par conséquent, irrémédiablement vouée à l'échec, entraînant dans son naufrage tous ceux qui s'y accrochent désespérément. 

Si le film aurait beaucoup gagné à resserrer le rythme, l'ensemble reste d'une grande beauté tragique, magnifiquement interprétée, et irradie une furieuse envie de vivre.

La note tout à fait subjective et qui n'engage que moi : 3,5/5

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